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Branle-bas de combat dans la forêt sudcôtoise!

Michel Chassé-L'Oie blanche

Si le couvert forestier vous apparaît calme et paisible dans Kamouraska et L'Islet, ne vous y fiez pas trop! Car ça brasse dans la forêt où la mise aux enchères d'une partie des contrats alloués en terre publique entraîne une chute des prix. Chute qui fait mal tant aux groupements forestiers qu'à leurs travailleurs.

Mis en branle le 1er avril dernier, le nouveau régime forestier se trouve à l'origine de cette guerre de prix. Depuis son entrée en vigueur, l'aménagement des forêts du Québec appartient au ministère des Ressources naturelles (MRN), lequel a délégué cette responsabilité à Rexforêt pour cinq ans (2013-2017), notamment en ce qui concerne la réalisation des travaux sylvicoles sur forêt publique.

Or, selon la nouvelle réglementation qui prévaut en forêt publique, Rexforêt y attribue 75% des contrats de gré à gré et 25% par appel d'offres. Le problème vient de ce 25% parce qu'il est désormais accessible à tous au Québec!

Les groupements forestiers de Kamouraska et L'Islet viennent d'en faire l'expérience. Rexforêt lance un contrat dans la MRC de L'Islet pour effectuer des travaux sylvicoles sur environ 60 hectares. Une compagnie du Lac Saint-Jean soumissionne et décroche le contrat en coupant les prix du tiers: MM. Gérald Landry et Yvon Deschênes, respectivement directeur général du Groupement forestier de Kamouraska et de celui de L'Islet, ont le même raisonnement: «Impossible d'arriver à ce prix là!».

Or, voilà que Rexforêt lance deux autres contrats du même genre dans le Kamouraska. Cette fois-ci, pour être sûr de ne pas les perdre afin de prolonger la saison de ses travailleurs, M. Landry soumissionne à perte, non sans avoir préalablement demandé à ces derniers de faire aussi leur part en acceptant une forte baisse de salaire, de l'ordre de 30%. Réunis en assemblée générale, 36 des 40 travailleurs syndiqués acceptent pour cette année afin que leur saison de travail ne se termine pas de façon prématurée! «On recule de 20 ans. Les travailleurs sont découragés. Ils n'avaient pas le choix de voter pour cette baisse salariale, du moins pour cette année» de confier à CIMT-TV M. René Martel, président du syndicat national des travailleurs de la sylviculture.

Le Groupement forestier de L'Islet a également soumissionné sur ces trois contrats: «Avec nos offres, nous ne faisions pas d'argent, mais nous n'en perdions pas et nous aurions permis à nos employés de travailler jusqu'à la fin de septembre. Mais comme d'autres ont coupé les prix, notre quinzaine de travailleurs vont être mis à pied à la fin d'août au lieu se septembre ou octobre» d'expliquer M. Deschênes. Or, les cinq ou six semaines manquantes risquent de se traduire par le fameux trou noir, en matière d'assurance-emploi, en février ou mars 2014. «Certains ne seront pas capables de boucler la boucle. C'est grave!» de déplorer M. Deschênes.

Dans le Kamouraska, les travailleurs vont étirer leur saison, mais à quel prix: un salaire moindre qui va se traduire par des prestations plus faibles et d'importantes pertes, estimées à 15 000$, pour le groupement forestier.

Depuis deux ou trois ans, le Groupement forestier de L'Islet termine l'année avec un léger déficit: «Pas de quoi nous mettre en péril pour le moment, mais ça ne peut pas continuer comme ça éternellement. Avec le 25%, nous sommes prêts à accepter la concurrence, mais pas une concurrence déloyale. Pour arriver, il faut soumissionner à environ 1 150$ l'hectare. Là, on y va à 819$ l'hectare. Ce sont des prix d'il y a 20 ans» de dire M. Deschênes.

De son côté, M. Landry sait très bien qu'il ne pourra pas jouer à ce jeu bien longtemps, question de survie. Comme piste de solution, il propose à Rexforêt d'attribuer les contrats plus tôt dans l'année, si possible à la fin de l'hiver ou au début du printemps, afin que les groupements forestiers puissent planifier leur besoin en main d'œuvre. Main d'œuvre qui, à l'instar des budgets des groupements forestiers, ne cesse de diminuer, comme au Kamouraska où l'organisme a déjà compté 140 travailleurs contre 75 en 2013. «Et en 2014, combien en restera-t-il à ce rythme-là. Pourtant, nous avons de belles forêts et il faut les entretenir, mais notre nombre de travailleurs ne cesse de diminuer» de conclure M. Landry.

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