Les temps sont durs économiquement pour les conducteurs d?un véhicule de taxi. Surtout en région
C?est du moins ce qu?a constaté L?Oie Blanche la semaine dernière après être allé visiter le nouveau stand de Taxi 500 inc. déménagé au coin de la rue Saint-Louis et de l?avenue Ste-Marie à Montmagny.
Fondé en 1948, Taxi 500 est la plus vieille entreprise de taxi dans la région. Si on pouvait compter jusqu?à plus de quinze chauffeurs de taxi dans les années 1980-90, ils ne sont plus que six au sein de cette entreprise aujourd?hui.
Économie au ralenti?
Il y a quelques semaines, le maire de Montmagny, M. Jean-Guy Desrosiers, mentionnait que l?économie de Montmagny allait très bien à la lumière des résultats financiers de la Ville.
Lorsque l?on questionne les chauffeurs de taxi sur le sujet, une pratique courante pour un journaliste qui arrive dans une ville étrangère et qui souhaite prendre le pouls économique de cette région, il en serait tout autrement...
Trois générations en taxi!
M. Joël Morin, 37 ans, le plus jeune membre du groupe d?actionnaires chez Taxi 500, a accepté de parler, en entrevue sur le web, de la situation difficile que vit l?industrie du taxi. Son grand-père, Charles Morin, a été chauffeur de taxi jusque dans les années 70 et son père, Marcel Morin, est toujours derrière le volant d?un taxi à Montmagny. Joël poursuit ainsi la tradition familiale, mais il se demande aujourd?hui pour encore combien d?années?
«L?économie tourne au ralenti depuis les nombreuses fermetures d?usines. Il y a aussi beaucoup moins de bars à Montmagny qu?avant. Les gens sortent moins, ont moins d?argent et font plus attention... D?un autre côté, le prix de l?essence, les frais d?entretien du véhicule, les inspections et les frais fixes d?exploitation continuent à monter», a résumé Joël Morin qui se demande quand l?hémorragie se terminera.
En général, l?industrie du taxi est en perte de vitesse. Mais en région, où les frais d?exploitation sont les mêmes que dans les grandes villes du Québec, le manque à gagner est encore plus difficile à rattraper, explique-t-il. Plusieurs chauffeurs présents, dont Yves Masson et le président de Taxi 500 Benoît Fortin, partagent cet avis.
«Il ne faut pas compter ses heures, ni le montant récolté par jour. Il faut voir cela à l?année», dit Joël Morin qui réussit, tant bien que mal et grâce en partie à l?emploi de sa conjointe, à se payer un p?tit voyage dans le sud chaque hiver avec ses pourboires qu?il conserve précieusement.
Perte avec l?hôpital
En plus des courses ici et là au centre-ville et ailleurs, les chauffeurs de taxi peuvent compter sur des contrats réguliers, dont le déplacement des facteurs à leurs secteurs de travail, et le service de transport collectif qui fonctionne sur réservation et est en partie subventionné.
Mais les affaires sont moins bonnes. Ils ont entre autres perdu le service de transport de petits colis avec l?hôpital de Montmagny; une entente verbale qui s?est terminée de façon abrupte et qui fait encore mal aux chauffeurs de taxi.
À l?hôpital de Montmagny, la porte-parole Mireille Gaudreau a expliqué que cette entente verbale avait pris fin pour des raisons économiques. Ce transport se fait maintenant par des employés du CSSSML. Quant au transport de personnes, il est assuré par la compagnie Inter-Rives.
Taxis fantômes
S?ils disent quand même bien vivre avec la présence de collègues indépendants locaux et régionaux, Joël Morin et Yves Masson dénoncent toutefois la concurrence «déloyale» des «taxis fantômes». Il s?agit de conducteurs qui effectuent de temps à autres différents transports de courtoisie, bien souvent rémunérés, pour des personnes qu?ils connaissent plus ou moins. «Ça nous enlève du travail, c?est certain, en plus que ces personnes n?ont pas les mêmes frais que nous qui sommes travailleurs autonomes. Si on ne travaille pas, on ne fait pas une «cenne»», ont-ils expliqué.
Après une carrière de 30 ans derrière le volant d?un poids lourd, M. Garnier Lavoie aura été chauffeur de taxi pendant près de huit ans lorsqu?il prendra sa retraite en septembre prochain. Il confie qu?il n?éprouvera aucun regret à quitter ce métier. «Si j?avais su que ça deviendrait comme cela, jamais je me serais embarqué là-dedans», a-t-il témoigné.
Donner le service!
Lorsque les cinq autres actionnaires de Taxi 500 ont appris la nouvelle du départ de M. Lavoie, ils se sont rencontrés afin de se demander s?il ne serait pas préférable d?acheter son permis de taxi et se partager la tâche à cinq au lieu de six, pour ainsi faire un peu plus d?argent, mais encore plus d?heures. «Par souci d?offrir le meilleur service à notre clientèle, nous avons décidé de demeurer à six chauffeurs. Vous savez, ici, les gens sont habitués à ne pas attendre longtemps après le taxi. Pour eux, dix minutes c?est long, alors qu?en ville, ça peut prendre trois fois plus de temps», a raconté M. Morin.
M. Garnier Lavoie dit avoir déjà trouvé l?acheteur pour son permis. Comme lorsque l?on demande à un chauffeur combien il gagne par année, difficile de savoir le prix d?un permis à Montmagny. 25 000, 30 000? Chose certaine, à Québec, pour les secteurs non-touristique, le prix peut facilement dépasser les six chiffres, ont confié les chauffeurs présents.
Soutien de la Ville
Les actionnaires de Taxi 500 mentionnent avoir une excellente collaboration avec la Ville de Montmagny. On semble déjà considérer comme une chose du passé l?imbroglio qu?il y a eu pour la relocalisation du stand de taxi qui, au départ, devait aller s?installer dans un local du bâtiment des scouts. Les chauffeurs sont maintenant heureux dans leur nouveau local, surtout que les déplacements devenaient de plus en plus hasardeux l?été au Parc de la mairie avec le marché public.
Joël Morin et son groupe ont confié que le soutien financier offert par la Ville a été primordial pour l?avenir du taxi à Montmagny; un service que l?on peut considéré comme essentiel! La Ville de Montmagny versera en effet une subvention de 3 000$ par année pour les cinq prochaines années. «Si nous n?avions pas eu cette subvention qui aide à payer nos frais de locaux, je ne suis pas certain si Taxi 500 aurait encore existé. Il faudra maintenant se reposer la même question dans cinq ans», a-t-il mentionné.
Le plus beau métier!
Malgré toute cette déception face à l?avenir économique de sa profession, Joël Morin continue de dire avec fierté qu?il exerce le «plus beau métier du monde». «Nous sommes un peu psychologues des fois. Le contact avec les gens, c?est incroyablement enrichissant», mentionne M. Morin en confirmant que la clientèle qui fréquente son taxi est fort variée. «On ne peut pas identifier un type de clientèle», ajoute-t-il en disant que des gens de tous les âges appellent un taxi. Bien sûr, les affaires sont meilleures lorsqu?il fait un temps de canard ou qu?il fait tempête, et même en canicule.
Taxi 500 offre un service sept jours sur sept 24 heures sur 24. En temps normal, de quatre à cinq chauffeurs sont disponibles durant la journée. Yves Masson qui est chauffeur de nuit les fins de semaine, remarque que les affaires sont meilleures lorsqu?on tient des événements spéciaux, comme ce fut le cas lors du motocross intérieur en fin de semaine dernière.
Chaque chauffeur travaille selon un horaire déterminé avec congé fixe. Au stand, on fait la rotation des appels. Vu de l?extérieur, alors que le monde du taxi est souvent considéré comme un cercle fermé, tout semble fonctionner dans l?harmonie. «On forme une petite famille. C?est sûr que tout le monde se tient», confie Joël Morin qui espère, lui aussi, ressentir bientôt les effets de la relance économique observée par le maire de Montmagny.
-30-
Photo: M. Joël Morin poursuit la tradition familiale en étant chauffeur de taxi, le plus beau métier du monde, dit-il. Mais, aujourd?hui, il se demande financièrement pour combien d?années encore?
- 30 -