Lors du Sommet international des coopératives tenu à Québec la semaine passée, l'éminent politologue et économiste italien Ricardo Petrella a souligné l'importance du rôle des coopératives pour développer une nouvelle organisation sociétale plus respectueuse de la collectivité que le capitalisme et moins contraignante que le communisme. C'est aussi l'essence du discours tenu par Claude Béland, ancien président de Desjardins: «Le pouvoir économique domine à tel point qu'on ne peut plus déclarer que nous vivons dans des sociétés, mais plutôt dans des économies».
La coopération serait donc la seule possibilité de poursuive directement des fins économiques et indirectement des fins sociales. Beau défi pour le Québec et ses régions, si on est en mesure d'appliquer ces grands principes. M. Béland a été rencontré par l'équipe de notre journal pour discuter entre autres du projet de monorail dont on a déjà parlé dans ces pages au cours des derniers mois. Il lui prédit un avenir prometteur par un développement coopératif en région. (Lire et voir l'entrevue de Michel Chassé et Sylviane Lord sous peu dans L'Oie Blanche et sur www.oieblanc.com). Pour Claude Béland, le monorail c'est possible par le biais d'une coopérative d'usagers et c'est à chaque milieu de prendre le développement du dossier à bras le corps. «C'est le rôle de maires de mobiliser leurs citoyens» de dire M. Béland. Quel maire au Québec sera le plus actif?
À noter que votre journal L'Oie Blanche a aussi obtenu, en «coopération» avec le journal coopératif Ensemble, le point de vue du ministre des Transports, des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, Sylvain Gaudreault, qui sans vouloir prendre trop d'engagements nous assure de son fort intérêt pour le projet du monorail dans sa forme coopérative. Un leitmotiv chez le nouveau ministre, «s'affranchir du pétrole pour miser sur l'énergie renouvelable». Alors après les mauvaises nouvelles du gouvernement Marois pour l'économie de diverses régions qui voient fermer coup sur coup mine et centrale, on pourra miser sur des visions plus positives comme celle du monorail.
La force des coopératives est reconnue à ce jour à travers le monde grâce à l'initiative de Mme Leroux, présidente de Desjardins qui a ?uvré beaucoup pour la tenue à Québec de ce premier Sommet international des coopératives. Mme Madeleine Albright, ex-ambassadrice américaine à l'ONU, a dit lors de sa conférence: «Le modèle économique des coopératives n'est pas le seul qui fonctionne, mais il est souvent plus efficace et il est souvent celui qui génère le plus de dividendes sociaux...».
Une France pour le fédéralisme ou pour la souveraineté!
Qu'est-ce que la gouvernance «normale»? On se rappelle que Hollande, président des Français, se prétendait un président «normal» pendant sa campagne, différent de Sarkozy puisque n'évoluant pas dans la sphère «people». Ça, c'était jusqu'à ce que sa compagne envoie un tweet où on comprenait toute la haine qu'elle exprimait pour l'ex Mme Hollande, Ségolène Royal. Bref la normalité est-elle possible en politique? Belle question à poser à notre future chroniqueuse Gaëtanne Corriveau, spécialiste de la gouvernance, qui se joindra à notre équipe dans quelques semaines.
Pauline Marois vient de rencontrer le président Hollande et on sait qu'elle espérait que celui-ci positionne la France dans le traditionnel «ni-ni»: ni ingérence, ni indifférence, sur le délicat dossier de la souveraineté du Québec versus le fédéralisme canadien. Ce fameux «ni-ni» prévalait pour tous les présidents de la France depuis le «Vive le Québec libre» de De Gaulle, jusqu'à ce que Sarkozy dévoile clairement sa préférence pour le fédéralisme. Si plusieurs au sein du gouvernement actuel du Québec attendaient avec impatience le verdict du nouveau président français, certaines analyses économiques sont intéressantes à lire en lien avec ce sujet.
L'économiste français Alain Minc vient de sortir le livre «L'âme des nations» et dit: «...La dynamique capitaliste qui mène la planète fait que nous nous éloignons du centre du monde, désormais fixé entre Vancouver et Shanghai. La seule manière intelligente de gérer notre déclin est l'intégration européenne... Aujourd'hui il faut saisir la perche tendue par Angela Merkel, un projet fédéral avec élection du président de l'Europe...». Certes Minc n'est pas trop proche politiquement d'Hollande, mais Paul Goldschmidt de l'Institut Thomas More, ex-directeur aux Affaires Économiques et Financières de la Commission Européenne, disait de Hollande fin mai dans www.atlantico.fr: «Au dernier sommet européen de Bruxelles, François Hollande promettait plus de fédéralisme et de transferts de pouvoir». Sur www.euroactiv.fr, on dit de lui: «On peut soupçonner qu'il est fédéraliste».
En juin dernier, le journal Le Parisien écrivait: «Selon Hollande, la construction européenne est une suite de compromis et elle comporte déjà des éléments de fédéralisme, comme la BCE et la Cour européenne de Justice (CEJ)». Le président français François Hollande préconise en effet d'avancer «étape par étape» sur dix ans vers plus de fédéralisme européen.
Jacques Attali, ancien conseiller du président socialiste Mitterrand, disait déjà début 2012 au magazine Jeune Afrique: «L'euro disparaîtra s'il n'y a pas de fédéralisme, car une monnaie ne peut exister sans pouvoir politique.»
Alors que dire à Marois?
Il aurait été surprenant que le même Hollande prêche pour la souveraineté de la Belle Province, alors que le fédéralisme européen fait partie de sa vision d'avenir pour la France. Se pourrait-il que l'atterrissage de Mme Marois sur le tarmac de Roissy Charles De Gaulle l'ait déçue quelque peu? Au moment où je finalise cet éditorial, Hollande vient de dire au côté de notre première ministre qu'il est «pour la continuité». Ce qui veut tout dire et rien dire. Il aurait aussi pu reprendre à son compte, pour satisfaire son invitée sans trahir ses propres idées, la formule d'un autre économiste réputé et socialiste comme lui, Jacques Delors, qui voyait pour l'Europe une fédération d'États Nations... une nouvelle idée pour le Canada peut-être, une fédération décentralisée!
Voir: Quand l'Europe élira son président: http://www.lejdd.fr/Chroniques/Axel-de-Tarle/La-chronique-d-Axel-de-Tarle-568455