Madame,
Vous me permettrez de vous faire connaître mes réactions à la suite de votre décision annoncée d?abandonner le nom de Côte-du-Sud dans votre offre touristique au profit d?une appellation aussi peu représentative que «Montmagny et les îles». De quelles îles parle-t-on? Montmagny n?en a pas? Elles appartiennent à l?Archipel de l?Isle-aux-Grues. Et Montmagny, c?est où? Sur une carte, c?est un point situé quelque part sur la Côte-du-Sud, entre Lévis et Rivière-du-Loup?
C?est vraiment désolant de constater à quel point vous ignorez dans quel coin de terre vous et vos confrères ont pris racines. Il est vrai que la géographie et l?histoire régionale sont des matières qu?on n?enseigne plus ou si peu?Mais à mon avis, toute personne bien au fait de l?histoire de sa région sait que, depuis Samuel de Champlain, la Côte-du-Sud s?étend de Beaumont à Saint-André de Kamouraska. Elle constitue donc l?une des plus vieilles régions du Québec et c?est sur ces terres que se sont établies bon nombre de familles souches.
Selon ce qui a transpiré dans les médias régionaux, vous souhaitiez vous donner une image de marque. Or, je me permettrai de vous faire remarquer qu?une image de marque ne se construit pas nécessairement en fonction d?un nom de lieu. Elle se construit autour d?événements et/ou d?activités variés et dont l?originalité est susceptible d?attirer une clientèle différente de celle qui circule dans nos rues quotidiennement. Le touriste sera bien chez nous si nous savons aussi l?accueillir avec courtoisie, lui offrir de bonnes tables et un hébergement de qualité.
«Oubliez la Côte-du-Sud, voici Montmagny et ses îles» pouvait-on lire récemment dans un hebdo installé à Montmagny depuis plus de 100 ans. Selon les données fournies par votre consultant (un émule de Clothaire Rapaille peut-être), seulement huit personnes interrogées à Montréal étaient capables de situer la Côte-du-Sud sur une carte. Ce que votre consultant ne vous dit pas, c?est que ces mêmes personnes ne réussiraient probablement pas non plus à situer Montmagny?pas plus qu?ils ne situeraient correctement la Montérégie ou la région de Lanaudière.
Avant de lancer ce consultant dans un quelconque tournoi de golf, peut-être aussi que la bonne question à vous poser aurait été de savoir si vous aviez fait la promotion de la Côte-du-Sud de façon adéquate. Le bon mandat à lui confier n?aurait-il pas été de vous suggérer quelques idées d?activités ou d?événements à tenir chez vous pour attirer des gens de l?extérieur? Lui avez-vous demandé pourquoi les touristes ne s?arrêtent pas à Montmagny alors qu?ils font plus facilement halte, me semble-t-il, à L?Islet-sur-Mer, Saint-Jean-Port-Joli, Saint-Roch-des-Aulnaies et Kamouraska?
À mon point de vue, rejeter le nom «Côte-du-Sud» c?est aussi rejeter l?histoire d?une région et de tous ceux et celles qui, au fil des siècles, l?ont construite. Sans vouloir revenir sur des décisions prises dans le passé et dont vous n?êtes pas coupables, je dirais que c?est cette même histoire que certains intervenants touristiques ont préféré rejeter il y a une trentaine d?années en se noyant dans un grand ensemble dont le nom n?évoquait strictement rien pour nos concitoyens. À cette époque, un illustre fils de Montmagny, Mgr Léon Bélanger, alors président de la Société historique de la Côte-du-Sud, tentait de défendre à coup d?arguments tout aussi logiques d?historiques, la création d?une ATR «Côte-du-Sud». Si à cette époque les intervenants touristiques l?ont tout bonnement laissé tomber, voilà qu?aujourd?hui, à proprement parler, vous le reniez?
Votre récente prise de position est d?autant plus désolante que le directeur général des élections du Québec vient tout juste de remettre à l?honneur le beau nom de «Côte-du-Sud» en le donnant à la nouvelle circonscription électorale qui, ne vous en déplaise, comprend désormais les MRC de Kamouraska, L?Islet et?Montmagny (tiens donc). N?est-ce pas un peu paradoxal de vouloir abandonner ce si beau nom quant on sait aussi que Montmagny fait partie de la Commission scolaire de la «Côte-du-Sud». Sans compter que vos agriculteurs sont regroupés au sein de l?UPA de la Côte-du-Sud, que les propriétaires de boisés privés sont unis dans le Syndicat des producteurs de bois de la Côte-du-Sud, etc. Et même les différents médias de la région se réclament de ce beau nom? Pourquoi donc chercher à diviser ce qui est uni depuis toujours? Mais encore faut-t-il accepter d?enlever les ?illères qui nous empêchent de voir nos voisins.
Vous l?aurez compris à la lecture de cette lettre; je suis profondément déçu de votre décision. Mais je ne saurais vous quitter sans vous inviter à méditer une dernière question : sont-ce les gens du milieu touristique qui ont souhaité ce changement d?appellation ou certains politicien(ne)s qui espèrent se faire un peu de capital? C?est trop souvent ce qui arrive quand des gens se mêlent de dossiers dont ils maîtrisent mal les tenants et aboutissants.
En espérant que vous saurez revenir à de meilleurs sentiments envers cette «Côte-du-Sud», celle-là même qui vous a mis au monde, je vous prie malgré tout d?accepter mes salutations les plus cordiales.
Gaétan Godbout
Citoyen de la Côte-du-Sud, La Pocatière