Michel Lemieux - Chroniqueur
La situation devient tout simplement loufoque. Les inconditionnels du Canadien ne dorment plus, les analystes répètent sans arrêt ce que serait la solution en décortiquant l'alignement de l'équipe ou en cherchant une stratégie qui ferait redémarrer la machine, puis les commentateurs s'exténuent devant le moindre petit arrêt de Price ou de la pièce de jeu en dentelle, réussie par un chandail du CH. Je tombe invariablement à la renverse devant toutes ces observations et ces incroyables hallucinations. Pour la simple raison qu'il n'y a aucune solution à court terme pour redresser ce cadavre qu'est devenu le CH.
Il y a quelques semaines, avant le congédiement de Jacques Martin, j'écrivais que son départ inévitable ne changerait rien, mais rien du tout dans ce bordel qu'est devenu le Canadien. Le Canadien forme l'une des équipes les moins talentueuses de son histoire. Mon Dieu que les vrais de ce passé bourré d'exploits doivent être tristes de voir leur héritage autant massacré et de constater que cette fierté de porter bien haut le flambeau soit réduite à l'état de lambeau.
Lorsque j'ai fait un retour comme chroniqueur de hockey au Soleil de la Floride il y a cinq ans, je me suis retrouvé devant une équipe absolument moribonde. Une formation tellement ancrée dans la déchéance que les joueurs ne faisaient plus de cas d'une défaite ou d'une victoire. C'est ce que l'on sent à Montréal. Et comme le hockey passait très loin dans l'intérêt des sportifs du Sud, la presse se balançait totalement de leur devenir, trop occupée à donner toute l'espace aux Dolphins, Heat et Marlins, qui ne faisaient pas beaucoup mieux comme performance. Il restait le beau temps et la plage. Les choses ont commencé à changer lorsqu'est arrivé le nouveau propriétaire, Cliff Viner. Je me rappellerai toujours l'entrevue qu'il m'avait accordée dans ses luxueux bureaux à Boca Raton. La phrase que j'avais retenue était « nous allons changer complètement la culture de cette équipe ». Je m'étais empressé, même si ce n'était pas mon rôle, de lui dire : « pour atteindre votre objectif Cliff vous allez devoir vous débarrasser de presque tout ce qu'il y a de joueurs ici. Autrement ça ne fonctionnera pas ». « Nous allons le faire Michel » m'avait-il répondu. On voit ce que réserve l'avenir à cette équipe remplie de jeunes talents. Il faut être patient. Dans leurs cas, disons deux autres années. Tallon emprunte le même chemin qui lui a permis de mener les Hawks à la Coupe Stanley.
Mais c'est du Canadien, qu'il est question ces temps-ci. De cette incroyable bibitte sans vertèbre, sans échine. Recommencer à zéro. C'était le titre de l'une de mes chroniques il y a un mois.
Il n'y a pas d'autre chemin à emprunter. Pour voir le nom du premier marqueur du Canadien dans la colonne des pointeurs de la LNH, il vous faut faire une recherche. Ça veut tout dire. Présentement il ne devrait avoir aucun joueur intouchable dans cette équipe. Aucun. Même pas Carey Price. Vous le savez, je le trouve sympathique. Malheureusement il ne fait pas gagner son équipe. Pire, j'ai le sentiment qu'en demeurant avec le CH totalement dans le merdier il va, à la longue, ajouter son nom à la liste des gardiens ordinaires. Si quelqu'un peut sonner le glas, d'abord en débranchant le respirateur artificiel, en n'éternisant pas la cérémonie du disparu et en lançant le message du passage à une autre vie, où la lucidité et l'intelligence devront primer, alors il y aura de l'espoir.
Autrement le brasier va continuer à se consumer avec quelques petites étincelles, mais rien pour allumer le feu sacré.
La vraie question
Au début de la saison, j'avais estimé que le Canadien était tellement démuni que je ne pouvais voir comment leur participation aux éliminatoires était possible. Puis je croyais aux chances des Panthers. Mais je n'allais pas mettre ma crédibilité en jeu en faisant croire aux amateurs que la nouvelle équipe de Dale Tallon était partie pour la gloire, comme on vient de s'exciter à Montréal parce que l'équipe avait réussi une « incroyable » séquence de deux victoires. Il faut vraiment être décroché de la réalité
Je ne suis pas un publiciste des Panthers, pas plus que je ne l'ai été avec les Nordiques durant les 15 années que je les suivais pas à pas. J'ai toujours posé les questions embarrassantes ou pas. Alors voici ce que je demanderais à monsieur Molson si j'étais attaché à la couverture du Canadien. Comme votre équipe n'a aucune chance, aucune je dis bien, de prendre part aux séries de fin de saison, pourquoi ne passeriez vous pas le balai immédiatement? Idée de RECOMMENCER À ZÉRO tout de suite, avec des nouveaux hommes de hockey à tous les postes, avec un mandat clairement défini par vous. Celui de redonner au Canadien ses lettres de noblesse. Et pour y arriver vous devriez leur dire ceci à ces futurs architectes de votre entreprise : je vous propose ce petit laïus monsieur Molson : «cessez de rapiécer mon équipe avec des joueurs usés à la corde, avec des Gomez, Gionta, Gill, Kaberle, cessez de donner des contrats de fou à ces joueurs et à dilapider mes millions pour des surévalués comme Plekanec, Kostitsyn, Cammalleri, libérez-nous de joueurs aussi insipides que les Moen, Campoli, Blunden, embauchez des dépisteurs au flair pointu, demandez-leur de faire juste un tout petit effort pour qu'ils apprennent les noms de quelques Québécois surdoués comme les Claude Giroux et Christopher Letang, Patrice Bergeron de ce monde, puis les autres comme David Perron et peut-être les Sean Couturier ou Jonathan Huberdeau. Et messieurs profitez-en parce que nous aurons le champ libre; de moins en moins de nos petits Québécois sont réclamés au repêchage ». « Surtout, oui surtout, cessez de vendre vos choix au repêchage comme s'ils étaient des Dunkin Donuts pour des Moore et Wizniesky. » (Geoff Molson) Parce que, monsieur Molson, vos futurs leaders, vos prochaines vedettes, ceux qui redonneront le lustre à votre équipe, le lustre auquel les amateurs québécois avaient été habitués, il y a malheureusement presque deux décennies, tout cela viendra probablement de joueurs dont les noms restent inconnus pour le moment et qui ne portent pas encore un chandail de la Ligue nationale. Trouvez les vrais hockeyeurs pour les accompagner jusqu'à leur éclosion. Monsieur Molson, si vous dérogez de ce plan... vous raterez votre coup.