Alain Raby - Blogueur
Est-il possible, dans l?état actuel des choses, que la communauté des Québécois en Amérique du Nord puisse assumer une personnalité culturelle qui soit à la fois respectueuse de son passé et dynamique ?
Existe-t-il des cas historiques où des communautés fortement minoritaires dans leur environnement, tels les Québécois en Amérique du Nord, se soient épanouies dans et par le respect de leur héritage culturel ? Invoquons le passé des hommes.
Vous vous souvenez sans doute de l?histoire de ces douze tribus délabrées d?Hébreux errant dans le désert. Ils n?étaient que quelques dizaines de milliers, dépossédées, sans ressource autre que la foi en leur collectivité. Leur détermination à sauvegarder l`originalité de leur identité culturelle ne trouva pas obstacles dans leurs faibles moyens. Ces curieux nomades devinrent les pères spirituels de notre civilisation. Ils ont fécondé une sagesse dont s?inspire avec fierté une bonne partie de l?humanité.
En effet le monde occidental et une partie du monde oriental (l?Islam) ont basé leur comportement, leur morale individuelle à partir d?un code inspiré d?enseignements qui furent jadis donnés à ces peuplades et que Moïse achemina en Judée.
L?empire puissant et vaste de Darius n?aura pas eu l?ombre d?une influence aussi civilisatrice. En réalité, ce ne sont pas les grands empires, les vastes ensembles qui ont le plus contribué à l?avancement intellectuel de la race humaine. Songez aux minimes proportions géographiques et démographiques des États-Cités de la Grèce antique : on connaît ce que cette époque classique a légué à la civilisation. Il suffira de mentionner que nous leur devons la notion de démocratie qui régit notre vie politique actuelle et le goût des arts et des lettres ( Théâtre, philosophie) si marqué à cette époque.
En fait, le système de valeurs de ces communautés restreintes n?a jamais été désavoué depuis.
Je ne nie pas que les grands empires eurent des initiatives louables. Ils suscitèrent eux aussi des éléments de culture. Rappelons, par exemple, que nos droits sont réglementés par un système de jurisprudence emprunté à Rome. Mais évitons l?erreur de ceux qui croient que l`avancement de la civilisation doit passer irrémédiablement par l?homogénéité des grands ensembles. Les Bruges, Anvers, Venise, Florence, etc? ont tenu un rôle civilisateur au moins aussi important que celui de l?universelle monarchie espagnole ou de l?empire de Russie.
L?histoire des civilisations orientales est tout aussi révélatrice (voyez l?histoire de l?Inde).
En fait, s?il est une leçon formelle que l?on puisse tirer de l?histoire, c`est que certaines nations modestes en population ont eu une influence civilisatrice aussi considérable que les grands ensembles.
Il faut donc que nous réitérions de temps à autre notre foi dans la possibilité non plus de la survivance de cette minorité française d?Amérique du Nord, mais d?une pleine et totale émancipation de sa personnalité culturelle et politique.
Bref, continuons à croire avec le sociologue Fernand Dumont en la vertu des petites entités nationales et avec le philosophe et historien, Arnold Toynbee, en la nation «canadienne-française», devenue nation québécoise, qu?il voyait appelée à un avenir hautement civilisateur.
La nécessaire, vitale et incontournable indépendance politique nous y aidera fortement, sera un puissant levier à notre plein épanouissement. Nous nous y acheminons lentement mais sûrement. Inexorablement. Ce sera l?aboutissement normal de notre destin national.
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