Le compte rendu du major Geo Scott affirme que plus de deux jours après la courte bataille des plaines d'Abraham (qui se termina le 13 septembre 1759 à 10 heures am), soit « le samedi le 15 septembre à 4 heures de l' après midi, le capitaine Elphistone, commandant de l'Eurus, est venu à terre (à Saint-Roch) pour m'informer qu'il avait reçu l'ordre de nous ramener immédiatement à Québec.» C`était donc 54 heures après que la bataille des plaines d?Abraham fut terminée.
L' ordre était, formellement, d'arrêter le saccage de la Côte-du-Sud. Il y a donc de bonnes chances que le capitaine Elphistone savait depuis plus de deux jours que Québec était tombé aux mains des Anglais puisque la distance entre Québec et Saint-Roch-des-Aulnaies n?est que de 115 kilomètres environ. Or les vents d?ouest en septembre font rapidement avancer les voiliers. En fait le capitaine Elphistone, commandant de l?Eurus, avait probablement été dépêché à la rencontre du major Scott pour lui signifier d' arrêter le carnage puisque le sort de la colonie française venait d'être pratiquement scellé par la victoire anglaise de la bataille des plaines d?Abraham.
N'est-il pas permis de penser que le major Scott aurait ainsi délibérément continuer à incendier, en toute connaissance du fait que la guerre était terminée et donc inutilement, la partie est de Saint-Roch , Saint-Jean-du-Sud ( aujourd'hui Saint-Jean-Port-Joli), L'Islet et une partie est de Cap-Saint-Ignace?
Voici ce que dit le carnet de Geo Scott :
«?. Samedi le 15?à Saint-Roch?le capitaine Elphistone est venu à terre pour m`informer qu?ìl avait reçu l?ordre de nous ramener immédiatement à Québec, mais que je devais monter quatre ou cinq lieues plus haut, à cause d?un haut-fond qui s`étend sur six ou sept milles, à partir de Saint-Roch, et qui aurait rendu l?embarquement très difficile. Dans l`après-midi nous avons brûlé une goélette et deux autres chaloupes.
Dimanche le 16, nous avons marché jusqu?à la limite est de la paroisse de Cap-Saint-Ignace et brûlé 140 maisons, nous avons eu un ranger blessé dans une petite escarmouche avec l?ennemi et nous avons capturé six femmes et cinq enfants. Le vent d`ouest soufflait si fort ce jour là qu'il empêcha le capitaine Elphistone de s?approcher de nous avec ses transports.
Lundi le 17, La marée empêchant les vaisseaux de venir nous prendre à bord tôt le matin, nous avons brûlé 60 maisons de plus, (de notre campement jusqu?à trois milles de l?église de Cap-Saint-Ignace ?). à onze heures du matin, j?ai commencé à faire embarquer mes troupes et, à cinq heures de l`après-midi, nous étions tous à bord ».
Bref , lors de cette expédition, de Kamouraska à Cap-Saint-Ignace, 998 " bons bâtiments" allaient être incendiés. Il y eut morts, blessés, prisonniers et tout ce que la guerre apporte d?horreur et de traumatismes. Un drame tout simplement épouvantable pour la paisible et laborieuse population de la Côte-du-Sud, qui dût passer l`hiver dans des abris de fortune et des conditions effroyables.
Par respect pour l?histoire, je crois qu`il convient que ce point de vue soit connu du public. On a essayé d`occulter cette partie de l?histoire de la Côte-du-Sud sous prétexte que « c?est un mauvais souvenir dont il vaut mieux ne pas parler », m?a-t-on dit quand je présentai le projet d`élever un monument au courage et à la détermination des Sud-côtois qui rebâtirent leur patrimoine et surent sauvegarder leur belle langue française et leurs coutumes.-Il n`y a là rien de honteux, vous en conviendrai.- Vous pouvez maintenant voir devant l?édifice municipal de Saint-Jean-Port-Joli, ce magnifique monument,(« VIGILANCE »), qui porte les patronymes des gens qui rebâtirent le patrimoine de la région et qui est maintenant homologué auprès du ministère de la culture. De fait le monument VIGILANCE symbolise 253 années de résistance du peuple à l`assimilation anglaise que les Sud-côtois, tout comme les Québécois, ont combattu depuis la conquête.
Rappelons que cette histoire avait fait l?objet du roman, « Les Anciens Canadiens » de Philippe Aubert de Gaspé, seigneur de Saint-Jean-Port-Joli, publié en 1863, grand classique de la littérature québécoise. En fait ce n?est que depuis quelques décennies, alors qu?on retrouva dans des archives le carnet de Géo Scott, que les Sud-côtois et les Québécois connurent toute la véracité de cette histoire, la plus dramatique qu`ait vécue notre peuple.*
* Voir L?année des Anglais, de Gaston Deschènes, aux éditions Septentrion.