Aller au contenu

Sauvons nos cimetières

(Réponse à Madame Jeannine Caron Giasson) L?Oie blanche du mercredi, 30 novembre dernier nous apportait un article sur le cimetière de L?Islet intitulé « On parle de profanation. Il faut que ça cesse ». Madame Caron Giasson, je suis d?accord avec vous, il faut que la profanation cesse. Malheureusement, vous ne pourrez empêcher personne d?en parler.
Quelle profanation ! Quel ravage ! Quel sacrilège ! Quelle insulte ! La photo des stèles funéraires fait vraiment pitié à voir. 150 stèles, c?est tout un cimetière ! Que ferez-vous de ces stèles dans 2 ou 3 ans ? Que seront devenus les souvenirs de nos anciens ?
Quand on parle de cimetières, on parle de repos pour l?éternité. « Qu?ils reposent en paix ! » Que ce soit pour 20, 25, 30 ou 99 ans, le respect et la dignité nous empêchent de modifier quoi que ce soit à la réalité des choses. Sinon, c?est une profanation. Quand il arrive un accident malencontreux à quelque part dans un cimetière X, quelle horreur ! Et devant ce qui se passe chez vous, il faut garder le silence ?
Madame Caron Giasson, je vous confirme que je ne connais rien aux lois légiférant ce type d?administration. J?ose émettre mon opinion à titre personnel selon mon expérience. Depuis plus de 20 ans, je travaille à écrire l?histoire et la généalogie des membres de ma famille de l?arrivée en Nouvelle-France, en 1671, de notre ancêtre familial jusqu?à aujourd?hui. Où sont les tombeaux de Jacques l?ancêtre, de ses descendants. Où sont les tombeaux de ces pionniers-bâtisseurs qui ont apporté leur contribution au développement des paroisses : Cap Saint-Ignace, Saint-Roch-des-Aulnaies, Sainte-Louise, Rivière-Ouelle, Kamouraska, etc., ? Où sont les tombeaux de mes grands-parents ? Que de déceptions ai-je encaissées pendant mes recherches, mes visites? mes réflexions !
En Normandie, à l?occasion d?un voyage pour découvrir le pays de nos ancêtres, nous avons réalisé des découvertes étonnantes. Nous avons découvert l?existence de lieux conservant encore les restes de nos ancêtres qui remontent au-delà 1789? Certains cimetières de petites communes conservent encore des stèles qui datent du passage des Romains. Le seul droit que nous avions, c?était de les regarder. Au Québec, nous avons de la difficulté à développer ce respect des choses anciennes qui font l?Histoire. Notre devise ne serait-elle pas « Je me souviens?d?oublier ! »
À ciel ouvert, nos cimetières constituent des archives les plus généreuses, les plus riches et les plus accessibles pour les chercheurs, les historiens, les archéologues, les anthropologues, (et j?en passe,) qui savent les lire, les consulter, les étudier et les interpréter. Il s?agit donc d?un patrimoine visible à la porte duquel il faudrait graver sur une pierre (stèle) indélogeable (sic) « Qu?ils reposent en paix ! Ne dérangez pas ! »
« La plupart des lots où les monuments ont été déplacés demeuraient impayés depuis 60 ans et plus : il y a même des propriétaires ou des descendants que nous n?avons pu retrouver? », dites-vous. Est-ce une raison, Madame, pour « déporter » ces ancêtres pionniers, bâtisseurs, ingénieurs, etc., qui nous ont construit et donné un pays ? La population de nos régions constitue la digne descendance de ces valeureux grands-pères, pères, grands-mères et mères. C?est votre parenté, c?est la mienne ! En 2011, avec les transformations démographiques et sociales que nous vivons, il faut comprendre que ce sera toujours de plus en plus difficile de retrouver les représentants familiaux pour prendre charge de ces lots. Est-ce une raison pour une telle profanation ?
En d?autres mots, il faudra trouver d?autres solutions pour apporter à nos cimetières une autre gestion de financement. « Selon (vous), la décision de la fabrique repose tout simplement sur une question d?administration et d?espace? Tout a été fait dans les règles de l?art et personne ne le fait de gaieté de c?ur.?d?autres fabriques vont devoir nous imiter bientôt. » Je lis entre les lignes et vous me semblez en contradiction avec ce que vous ressentez et ce que vous gérez. Je comprends aussi que le problème déborde les limites du territoire de l?Islet. Je ne connais pas ces règles de l?art, mais je trouve absurde une telle politique quand on nous lessive les oreilles et la vue pour nous convaincre « qu?en dessous on est tous pareils » alors qu?au-dessus c?est l?argent qui mène?, l?argent justifie et explique tout, même au nom des valeurs de la religion.
D?après la photo, ce ne sont pas les stèles des plus riches qui ont été « déportées! » Avant que d?autres paroisses imitent celle de l?Islet, (ailleurs aussi des gestes disgracieux ont déjà été posés), avant qu?il soit trop tard, avons-nous pensé que l?administration de nos cimetières pourrait devenir un service public au même titre que l?éducation, la santé, les transports, l?aqueduc, les services d?incendie, etc. C?est devenu une question de société. Où est le tombeau de Champlain ? Si nos lois remontaient à 1635, il est grand temps de les mettre à jour. N?est-ce pas que c?est le temps d?en parler ? Malheureusement, ce n?est pas un sujet qui a la « cote d?écoute»!
En terminant, j?ajoute que je ne suis pas intéressé à jouir de mon éternité dans un lot volé. Quand on vend nos défunts pour permettre aux vivants de rester debout, il y a de quoi s?inquiéter!
Marcel Thiboutot Saint-Jean-Port-Joli
Commentaires