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Tuer le père

An

Céline Chabot- Chroniqueur

Amélie Nothomb est l?une de mes écrivaines favorites - je l?ai déjà écrit - et chaque fois qu?un nouveau titre paraît je me jette dessus comme un ogre affamé. Je n?ai jamais été déçue.

Si vous aimez les grosses briques vous assurant de longues heures de bonheur pantoufflard, oubliez ça. Les livres de l?auteure belge se lisent dans le temps de le dire et c?est probablement l?une de ses forces: en dire autant en si peu de mots. Sa prose vous amène là où vous n?auriez peut-être jamais pensé aller et comme elle réussit toujours à vous activer les méninges, libre à vous de continuer le voyage après avoir tourné la dernière page.

Tuer le père est une histoire à la fois triste et belle et son dénouement vous laissera sans doute pantois. Comment ne pas s?émerveiller devant la mécanique du cerveau humain qui parfois emprunte de longs et tortueux chemins pour parvenir à ses fins, assouvir des besoins dont la démesure n?a d?égal que l?entêtement? En fait, il faudrait plutôt parler de la façon dont est exposée ladite mécanique. L?histoire de Joe et Norman relève de la pure psychologie oedipienne - Freud apprécierait - mais ne se limite pas aux états d?âme des principaux acteurs de ce drame familial. À preuve, cette incursion éclairée dans l?univers des artistes qui, sans jeu de mots, jouent avec le feu: «Les fire dancers n?ont pas créé leur art pour le plaisir un peu vulgaire de faire du trop difficile. Il y a une logique profonde à associer ces deux dieux, la danse et le feu. Regarder de grands danseurs provoque le même émoi que regarder une bûche enflammée: le feu danse, le danseur brûle. C?est le même mouvement, aussi hirsute qu?harmonieux. C?est le combat sans vainqueur entre Dionysos et Apollon, l?alternance continuelle du danger et de la maîtrise, de la folie et de l?intelligence, du désir et de la plénitude.» Un mélange de génie et de folie vous dites? Du vrai Nothomb, quoi!

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