Sylvain Fournier - L'OIE BLANCHE
Outre les documents d'archives racontant sa carrière qui sont préservés au Centre d'archives de la Côte-du-Sud à La Pocatière, un premier «vrai» livre vient d'être écrit sur l'abbé Maurice Proulx, un des pionniers du cinéma documentaire québécois qui est né à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud. Le livre «Dans la caméra de l'abbé Proulx» est publié par les éditions du Septentrion sous la plume de M. Marc-André Robert, Montréalais et étudiant en doctorat en histoire à l'Université Laval.
Passionné par les premiers balbutiements du cinéma québécois, Marc-André Robert avait consacré sa thèse de maîtrise sur l'histoire de l'abbé Proulx, entre 2007 et 2009, avant de décider ensuite de travailler à l'écriture d'un livre sur le sujet. «C'est ma directrice de thèse à l'Université de Sherbrooke, Mme Christine Hudon, originaire de Rivière-Ouelle, qui m'a fait découvrir l'abbé Proulx. Son grand-père l'avait connu et lui en avait souvent parlé», a-t-il confié en entrevue, soulignant avoir aussi fait la connaissance de la région de la Côte-du-Sud lors de ses recherches sur ce grand cinéaste.
Méconnu de notre histoire, l'abbé Maurice Proulx (1902-1988) est un des pionniers du septième art québécois. Prêtre, agronome, travailleur social et cinéaste autodidacte, il se lance dans l'aventure du cinéma dès le début des années 1930. Homme passionné et carriériste, élève et proche collaborateur du premier ministre libéral Adélard Godbout, il devient vite, dans les années 1940 et 1950, cinéaste officiel du gouvernement unioniste de Maurice Duplessis. Vitrine publicitaire des réalisations du chef, son cinéma jette pourtant un regard engagé, mais franc sur la société agricole et rurale québécoise de l'après-guerre.
Reconnue patrimoine national depuis 1977, l'uvre cinématographique unique de Maurice Proulx demeure l'une des seules fenêtres visuelles et sonores aujourd'hui disponible sur le Québec duplessiste des années 1940 et 1950. Ce livre permet entre autres de mieux comprendre cette société un peu trop «noircie» par la mémoire.
«Mes recherches m'ont permis de découvrir un abbé Maurice Proulx attachant et hyper complexe... Il n'a jamais fait de politique avec ses films. Pour lui, son intérêt premier, c'était de présenter le monde rural et les pratiques agricoles de l'époque... J'ai analysé environ 30 des 35 films réalisés entre 1945 et 1960, mais il en a fait plus de 50 dans sa carrière. Il avait même fait construire une voute dans le sous-sol de sa maison afin de préserver ses bobines de film. N'eut été de cela, on aurait perdu l'héritage de l'abbé Proulx», raconte Marc-André Robert qui prépare maintenant une thèse au doctorat, et éventuellement une seconde publication en carrière, qui portera cette fois sur l'Office du film du Québec (l'ancêtre de l'Office national du film) et sur l'utilisation politique du cinéma par l'État québécois entre 1961 et 1983.
Avec ses films, l'abbé Proulx a permis de mieux connaître la société agricole et rurale québécoise. Son uvre a été vu dans de nombreux pays. Plusieurs films ont d'ailleurs été tournés sur la Côte-du-Sud, dont un entre autres sur les fameux tournois de pêche au bar rayé sur le fleuve, une espèce en voie de réapparition. Son héritage contient encore aujourd'hui les rares images encore existantes sur le Québec des années 1940 et 1950.