Une grogne sans précédent secoue le monde acéricole dans la région des Appalaches–Beauce–Lotbinière. Exaspérés par l'inaction du gouvernement face à la coupe d'érables à fort potentiel acéricole, une vingtaine de producteurs ont bloqué, le 24 février dernier, l'accès à la Seigneurie Joly de Lotbinière.
Ce coup d'éclat est l'aboutissement de plusieurs jours de pression menée par les Producteurs et productrices acéricoles des Appalaches–Beauce–Lotbinière. Leur message est clair : le gouvernement doit cesser de favoriser l'industrie forestière au détriment de la production de sirop d'érable.
Au cœur de cette crise, le refus du ministère des Ressources naturelles et des Forêts d'émettre les autorisations d'entailles promises depuis 2021 et 2023. Pendant ce temps, les compagnies forestières obtiennent des droits de coupe dans des secteurs où les acériculteurs attendent, depuis quatre ans, le feu vert pour exploiter leur production.
Les producteurs acéricoles dénoncent une injustice criante alors que des érables de bon calibre sont abattus puis laissés sur place sous prétexte qu'ils sont situés dans des zones d'exploitation forestière. Une situation inacceptable pour Vincent Boutin, président des Producteurs et productrices acéricoles des Appalaches–Beauce–Lotbinière, qui dénonce l'inaction du gouvernement :
« Nous ne souhaitons jamais en venir à ce type de moyens de pression, mais nous n'avons plus le choix. Le gouvernement fait la sourde oreille à nos demandes, a-t-il conclu.»
Le dossier a été soumis à la députée de Lotbinière-Frontenac, Isabelle Lecours, sans réponse de sa part. Même la Commission de protection du territoire agricole du Québec a admis ne pas avoir les ressources nécessaires pour s'occuper du dossier.
Au-delà du blocage des accès à la Seigneurie Joly, les acériculteurs ont mené plusieurs actions symboliques pour sensibiliser la population et les décideurs politiques. Dans les derniers jours, ils ont martelé des érables dans différentes municipalités ainsi que sur la colline parlementaire. Des billes d'érables coupés, munies de chalumeaux et de chaudières affichant le slogan « Pas de forêt, pas de sirop », ont été déposées devant les bureaux de plusieurs députés et du ministère de l'Agriculture à Sainte-Marie.
Selon les acériculteurs, la province devra atteindre 168 millions d'entailles d'ici 2080 pour répondre à une demande croissante de 5,8 % par an. Pour cela, ils réclament la protection immédiate de 25 000 hectares d'érablières en forêt publique, et 35 000 hectares supplémentaires à moyen terme.
Avec un potentiel acéricole estimé à 570 000 hectares en forêt publique, mais seulement 39 476 actuellement exploités, les producteurs estiment qu'il est plus que temps que le gouvernement passe de la parole aux actes.
Face à l'absence de réponse du gouvernement Legault, les acériculteurs promettent de maintenir la pression avec un message clair : le sirop d'érable fait partie du patrimoine québécois, et sans forêts protégées, il ne pourra survivre.
La balle est désormais dans le camp de la ministre Maïté Blanchette Vézina. Reste à voir si elle répondra à l'appel des producteurs… avant qu'ils ne durcissent encore davantage leurs actions.