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L'AFFAIRE GUY TURCOTTE

Turcotte
Yvon Mercier - CHRONIQUE VIE JUDICIAIRE

Le moins qu'on puisse dire, c'est que la décision du Comité d'examen des troubles mentaux a provoqué une foule de réactions dans tous les milieux, relativement au fait qu'elle a libéré Guy Turcotte tout en le soumettant à certaines conditions.

Les réactions vont de l'incompréhension jusqu'à la critique virulente contre notre système de justice. Une telle attitude peut se comprendre de la part de ceux qui ne sont pas familiers avec notre appareil judiciaire. En effet, un cas comme celui qui nous occupe mérite qu'on l'explique de façon claire et nette.

Ce dossier comporte deux volets: celui du procès pour meurtre de ses deux enfants et celui du Comité d'examen des troubles mentaux. Dans le procès pour meurtre, lequel s'est déroulé devant la Cour d'Assises, en présence des jurés, la défense a présenté une preuve faite par des psychiatres à l'effet que Guy Turcotte n'était pas sain d'esprit au moment où il a commis ses crimes. Le Code Criminel prévoit le cas où si l'on réussit à prouver que l'accusé avait perdu tout contact avec la réalité, alors le verdict qui s'impose est celui de non-criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. Les jurés sont les maîtres absolus des faits et leur décision est inattaquable. Ils ont acquiescé à la théorie de la défense qui tentait de démontrer que l'accusé ne pouvait pas distinguer le bien du mal, après avoir ingurgité  du lave-glace. Leur décision est certes discutable, mais eux seuls en sont les maîtres! Le juge de son côté est maître du droit, c'est-à-dire qu'il dirige le procès en s'assurant qu'aucune entorse à la loi ne soit faite comme par exemple en permettant une preuve illégale. De plus, à l'issue du procès, il explique aux jurés les règles à suivre pour en arriver à rendre un verdict. Dans le cas de Guy Turcotte, la décision des jurés est surprenante, j'en conviens, mais c'est leur décision.

Toutefois, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a inscrit cette cause devant la Cour d'Appel et cette dernière l'entendra dans les prochains mois. Il se pourrait qu'elle ordonne un nouveau procès, tout comme elle peut également déclarer qu'elle maintient le verdict rendu par les jurés. Donc Turcotte n'en a pas fini avec la Justice.

Parlons maintenant du Comité d'examen des troubles mentaux. Son travail consiste à vérifier si à la suite du verdict des jurés, ils doivent garder l'individu en institution ou bien lui permettre de réintégrer la société. Ils n'ont rien à voir avec la décision des jurés et ils ne peuvent pas non plus se substituer aux tribunaux, pour corriger un verdict qui leur semblerait erroné. Ce qu'ils ont fait dans le cas Turcotte, ils ont entendu les médecins-psychiatres, ont analysé leurs rapports et finalement ils en sont venus à la conclusion que nous connaissons. En vertu de la loi, ils n'avaient pas d'alternative.

Il ne faut pas oublier le fait que ce Comité a siégé à quelques reprises dans cette affaire et il a rendu sa décision selon la preuve qui lui a été présentée.  Son rôle se résumait à s'assurer que Turcotte ne comportait pas de danger pour la société à un point tel qu'il pouvait être libéré. Le comité a également posé des conditions que Turcotte doit respecter, sinon il sera retourné à l'institut Pinel; en outre, son comportement en société sera surveillé  de près et des rapports  seront remis aux membres du Comité. Donc  cette décision est conforme à la loi et la preuve faite ne permettait pas de décider autrement.

L'on a vu et entendu certains personnages politiques s'insurger contre cette décision et promettre de changer la Loi pour la rendre plus sévère! Je m'interroge sur une telle avenue. En effet, peut-on décider de modifier un système sur un seul cas qui nous apparaît discutable? Depuis des décennies il a fait ses preuves et il serait imprudent selon moi de sauter sur cette occasion pour faire des changements. Il se peut que le verdict des jurés soit exceptionnel dans le présent cas, mais peut-on avancer que tout le système doive être modifié pour autant? C'est à cela qu'il nous faut réfléchir en pensant également qu'une seule erreur, si toutefois c'était une erreur du jury, ne doit pas nous amener à conclure que le Code doive être amendé pour autant. Prenons le temps de réfléchir!

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