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L'essence d'une époque

Les artistes en résidence au centre d'artistes Est nord-est à Saint-Jean-Port-Joli ont dévoilé, le jeudi 18 septembre dernier, les démarches de leurs travaux. Le rapport de l'homme à l'environnement qu'il s'est créé semble récurrent aux pratiques de Laurent Gagnon (Québec), David A Rios (Norvège), Anaïs Touchot (France) et François Roux (France). Les artistes seront présents au centre jusqu'au 31 octobre.

Par un soir frais de septembre, dans une baraque datant d'une autre époque aux abords de la route 132, quelques passionnés d'art contemporain de Saint-Jean-Port-Joli et des environs, quelques amis du sculpteur Pierre Bourgault, quelques membres de cette petite communauté artistique régionale se sont réunis dans ce lieu même qui servit d'école de sculpture à Jean-Julien Bourgault. Les porte-folios de ces artistes signalentun symbolisme intrinsèque de nos sociétés modernes, parfois sous forme de récriminations, parfois sous forme de constatations.

La matière et l'essence

La démarche artistique de Laurent Gagnon s'inscrit dans une optique de reconstitution du sens. À travers un processus de réutilisation des objets de la vie courante, il s'accapare le banal afin de lui conférer une nouvelle signification devant la désuétude de l'objet consommé. La matière reprend vie dans cet amalgame entre l'incohérence del'inutilité de l'objet et la restructuration des formes que lui attribue l'artiste. Dans un dialogue incessant entre la matière et l'essence, l'émotion et l'œuvre M. Gagnon explore la limite entre le précieux et le fragile.

Systèmes et interactions

Issu d'une méthode conceptuelle qui découle de la théorie des systèmes, la démarche de M. Rios s'intéresse aux systèmes et à leurs interactions avec l'environnement qui les entourent. Concrètement, cela se transpose, par exemple, par un agencement modulaire de cubes liés entre eux avec des charnières et se déplaçant au gré des levés aléatoires d'un support mécanisé; dans l'indifférence des formes.

L'être humain produit des systèmes, des machines pour lesquels l'appareil de son corps ne distingue plus, à un certain moment donné, les stimuli émis par ces machines. M. Rios se questionne sur cette interaction.

Par ailleurs, il se demande si la fonctionnalité d'un système, établi selon des normes et variant selon des degrés, ne serait pas que le fruit perceptif de notre subjectivité. Par exemple, une calculatrice qui serait dysfonctionnelle une fois sur un million serait considérée par la plupart des gens comme fonctionnelle.

Destruction créatrice

Anaïs Touchot s'intéresse à l'existence des lieux et à la fin de cette existence. S'appropriant des cabanons abandonnés, elle les démolit et les reconstruit incessamment. Cherchant à témoigner des rapports destructeurs de la nature et leur incidence sur le monde matériel de l'homme, elle laisse découvrir une sensibilité nostalgique. Elle dénote un rapport ambigu aux changements industriels et uniforme de la construction d'immeubles. Mme Touchot souligne au passage « que dans chaque adaptation on partage les étapes de création de l'artiste qui sont déterminées par les moyens ».

Minimalisme et résilience

François Roux ne travaille pas un médium à proprement parler, si ce n'est qu'il emploie la vidéo et qu'il s'inspire spontanément de l'atmosphère d'un lieu. Au cœur de son ouvrage, on retrouve une série de courtes vidéos symbolisant la résilience de l'homme face au contrôle de la nature. Filmé en macro, on aperçoit dans ces très courts métrages des démonstrations de gestes « peines perdues ». Comme une série d'images démontrant l'impossibilité de repousser les vagues. Ou encore, le paradoxe qui s'installe entre un nuage de buée produit avec la bouche sur une vitre et un nuage dans le ciel apparaissant derrière cette même vitre. M. Roux produit aussi des vidéos de lieux insolites sur lesquels il transpose des sons qui émanent du spectre électromagnétique de divers objets électroniques.

Julien Carrier
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