Dans une fort intéressante entrevue donnée à Guy Fournier et publiée sous le titre « L?odyssée de Yann Martel » dans les journaux de Québécor le 23 février dernier, l'écrivain explique pourquoi il a choisi de vivre à Saskatoon, une ville « à sa mesure » située néanmoins dans des « espaces illimités ».
Né en Espagne, de parents québécois de souche, éduqué en anglais, Yann Martel se dit maintenant Fransaskois mais « d?abord Canadien français » et se sent « à l?aise partout dans ce pays ». Comme il considère la langue comme un simple « véhicule » et non comme un critère d?identité déterminant, l?auteur de Life of Pi ne s?inquiète pas trop de vivre dans une province où la population de langue française est tombée sous le 1% et où le français est carrément combattu notamment par la Saskatchewan Association of Rural Municipalities qui adopte annuellement une résolution contre la Loi sur les langues officielles du Canada.
« Martel est conscient, écrit Guy Fournier, que certains îlots francophones hors Québec sont en grave danger d?assimilation. Malgré son université, où peut s?exprimer une certaine culture française, il n?y a pas assez de francophones à Saskatoon pour qu?on puisse parier sur leur survie à moyen terme ».
« You bet », comme on dit là-bas ! » Entre 1971 et 2006, le taux d?assimilation des Fransaskois est passé de 50% à 75% ! Autrement dit, non seulement les Fransaskois s?assimilent à la communauté anglophone mais ils le font de manière accélérée, même depuis l?adoption de la Loi sur les langues officielles du Canada en 1969.
« Parce que sa compagne d?origine britannique ne parle pas encore français, que les petits compagnons de ses enfants sont anglophones, Yann s?adresse à Lola et Théo presque toujours en anglais. Les deux sont encore très jeunes et papa a bon espoir de trouver d?ici peu le moyen de les mettre à l?apprentissage du français ».
Espérons donc que monsieur Martel aura plus de succès avec ses enfants qu?avec son épouse, mais on peut parier sur le terme de l?odyssée de cette branche de la famille Martel. Ce ne sera pas la première famille de ma région qui sera assimilée après deux ou trois générations dans l?Ouest. Je me souviens d?un monsieur Dubé que mon père visitait dans les années 1960 quand il avait l?occasion d?aller au Manitoba; une génération plus tard, ce Québécois d?origine constatait que ses petits-enfants ne pouvaient lui parler en français. Cette « évolution » est inéluctable : les enfants de monsieur Martel seront encore bien plus « à l?aise » que lui.