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La face cachée de la réforme Roberge : un recul inacceptable pour les régions

Huffington Post

À la veille du dépôt d'un bâillon sur le projet de loi no 40, les présidentes et présidents des commissions scolaires du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine dénoncent la face cachée de cette réforme qui n'aidera en rien, selon eux, la réussite des élèves et qui place au cœur de ses intentions réelles, centralisation et fusion.

Une importante perte de pouvoir pour les régions au profit d'une centralisation à Québec

L'abolition des élus scolaires est la première étape, selon le groupement, vers une centralisation au profit ministre de l'Éducation.

« Avec le projet de loi no 40, nous passerons de 600 élus de partout au Québec à un seul ministre à Québec. Il n'y aura plus de politiciens scolaires pour défendre, face au gouvernement, les intérêts et les besoins des régions. Dorénavant, à quelle porte les citoyens cogneront-ils pour contester une décision, pour se faire entendre et se faire représenter ? Le ministre l'a dit clairement, il ne veut plus de contre-pouvoir en région.   Il ne veut pas d'élus scolaires dans ses pattes. Il veut tout décider, centraliser et fusionner », a expliqué le groupement des commissions scolaires.

Les commissions estiment que le projet de loi est davantage une prise de pouvoir du ministre sur le milieu scolaire que d'une volonté d'amélioration du système d'éducation du Québec.

« Lorsqu'on analyse à fond ce projet de loi, on constate que le ministre de l'Éducation s'approprie plusieurs nouveaux pouvoirs, dont ceux d'autoriser les travaux de construction ou de rénovations majeures, d'exiger que les centres de services scolaires concluent des fusions de ressources et de services. Seul le ministre pourra élaborer des politiques, ce qui constitue la plus grande centralisation de l'histoire du ministère de l'Éducation. Les régions, les écoles, les petites écoles : toutes y perdront un pouvoir décisionnel. Gaspé ou Témiscouata-sur-le-Lac, c'est loin de Québec lorsque viendra le temps de prendre des décisions ! Imaginez une politique de maintien ou de fermeture d'école décidée à Québec !   Les réalités des régions sont bien loin des bureaux des fonctionnaires du ministère de l'Éducation à Québec, » a dénoncé vertement le groupement.

Toujours selon les commissions scolaires, la centralisation entre les mains du ministre ne serait aucunement pas la voie à suivre pour les réseaux publics.

« Nous l'avons vu dans la santé. On a connu les ratés de la réforme Barrette, on en subit encore les conséquences, et on ne veut pas vivre la même situation en éducation avec la réforme Roberge ! »

Une centralisation abusive tuera l'équité ?

« L'éducation est un service de proximité et la gestion doit se faire le plus près possible de la population, tout en ayant une vue d'ensemble afin d'assurer l'équité dans les services pour l'ensemble de leurs écoles. C'est ce que font actuellement les élus scolaires au sein de leur conseil des commissaires.   En étant près de leur population, en participant aux projets menés par les communautés de leur territoire et en représentant leurs citoyens, ils prennent des décisions pour répondre aux besoins de la population de leur territoire, en assurant la distribution équitable des ressources et des services. Cette équité sera mise en péril si tout est décidé à Québec ! », a exprimé le groupement.

Un net recul pour la démocratie ?

Selon le groupement, le gouvernement se baserait sur le faible taux de participation aux élections scolaires pour justifier ce brassage de structures tout en faisant miroiter plusieurs arguments qui sont :  moins de bureaucratie, plus de services, des économies, etc. Or, ceux-ci, selon lui, ne passeraient pas l'épreuve des faits (https://www.fcsq.qc.ca/medias/epreuve-des-faits).

« Au niveau municipal, plusieurs maires et conseillers sont élus par acclamation et dans d'autres cas, les taux de participation sont faibles. Est-ce qu'on remet en question la démocratie municipale pour autant ?   Des organisations vouées à la promotion de la participation citoyenne comme Élections Québec et l'Institut du Nouveau Monde sont venues dire en commission parlementaire qu'il faut travailler à augmenter le taux de participation plutôt que d'abolir une démocratie. Les commissions scolaires ont proposé des moyens.  En Ontario, par exemple, les élections municipales et scolaires simultanées font grimper le taux de participation à plus de 40%. De plus, Élections Québec étudie actuellement le vote électronique, à  la  suite  d'un mandat donné par l'Assemblée nationale en juin 2018 », a expliqué le groupement avant d'ajouter que « le Nouveau-Brunswick avait aboli les conseils scolaires en 1996 et les a remis en place en 2001. Et c'est maintenant au tour de l'Île-du-Prince-Édouard de revenir sur sa décision d'abolir les commissions scolaires en 2015. Le gouvernement affirme vouloir redonner une voix aux collectivités dans la prise de décisions concernant le système public d'éducation. Des voix commencent à s'élever en Nouvelle-Écosse à la suite de l'abolition des commissions scolaires anglophones. Avions-nous vraiment besoin de répéter les erreurs commises par d'autres provinces ? », s'est interrogé le groupement des commissions scolaires.

Un projet de loi anticonstitutionnel et discriminatoire envers les francophones ?

Le projet de loi no 40 traiterait inégalement les francophones et les anglophones selon le groupement, car seuls ces derniers pourraient élire démocratiquement leurs représentants scolaires. Ce projet serait également anticonstitutionnel, car il bafouerait le principe de pas de taxation sans représentation – principe inscrit dans la constitution canadienne voulant que seulement les représentants élus démocratiquement puissent légalement imposer des taxes. Avec ce projet de loi, les élus seront abolis, mais les taxes demeureront !

Une structure de gouvernance inefficace qui mènera au chaos ?

Différents groupes d'intérêts seront appelés à siéger au   niveau   du conseil d'administration du centre de services scolaire.

La présidence et la vice-présidence de ce nouveau conseil seront assumées par des parents issus du comité de parents qui est un comité consultatif de la commission scolaire. 

« Il y a là un conflit de rôle assuré pour les parents et de potentiels conflits d'intérêts pour les membres du personnel.   Ces changements entraîneront une perte de stabilité dans le réseau et dans les écoles avec, en trame de fond, la négociation et le renouvellement des conventions collectives.  Un beau gâchis en perspective qui nous éloigne du bien des enfants ! », de dire le groupement.

Une perte de temps, d'énergie et d'argent ?

Selon le groupement, le gouvernement prétend qu'abolir les élections scolaires fera économiser 45 M$ sur 4 ans et que cet argent sera réinvesti en services aux élèves.

« Ce montant ne tient pas compte des coûts liés à la transformation des commissions scolaires en centres de services (implantation, formation, changement de noms et de logos, etc.) ainsi qu'à l'ajout de ressources nécessaires au Ministère pour assumer les nouveaux pouvoirs centralisés. La dernière réforme de structure lors des fusions des commissions scolaires en 1998 a coûté 40 millions de dollars au gouvernement alors qu'il avait annoncé des économies de 100 millions de dollars. Sachant cela, il est difficile de croire qu'il y aura des économies. Tout indique que cette réforme entraînera plutôt des coûts supplémentaires », a expliqué le groupement.

Plus de bureaucratie dans les écoles ?

Toujours selon le groupement, on ne peut prétendre que ce projet de loi réduira la bureaucratie puisque l'essentiel de la bureaucratie en éducation découle des nombreuses redditions de comptes demandées par le ministère de l'Éducation aux commissions scolaires et aux établissements.

« Aucune modification n'est apportée à ce chapitre. Il y aura en fait plus de bureaucratie, car certaines redditions de comptes seront transférées aux écoles.   De plus, les établissements scolaires n'auront pas plus d'autonomie. De nombreuses directives viendront directement des fonctionnaires à Québec.  Les directeurs et directrices d'école verront donc leurs tâches administratives augmenter au détriment de leur rôle de leader pédagogique, les rendant moins disponibles pour leur personnel et les élèves », a précisé le groupement des commissions scolaires.

La réforme Roberge, selon le groupement, ne règlera rien en éducation, car elle ne met absolument pas l'élève au cœur de l'action et des priorités. 

« Elle plongera nos écoles, nos centres de formation professionnelle et d'éducation des adultes dans un débat de structures inutile, au détriment de la nécessaire mobilisation de tous les acteurs du réseau pour favoriser la réussite des élèves. Il y a actuellement dans notre réseau des problématiques beaucoup plus préoccupantes auxquelles il nous faut tous ensemble nous attarder : la persévérance scolaire, la pénurie de main-d'œuvre et la valorisation de notre personnel, la mixité sociale et scolaire dans nos écoles, les besoins en infrastructures, la décroissance des clientèles en région, pour ne nommer que ceux-là. C'est pourquoi nous dénonçons l'inacceptable manque d'écoute du ministre et de son gouvernement qui a refusé de mettre de côté son projet de loi et de tenir une vaste consultation sur les véritables enjeux et défis du réseau public d'éducation. Nos élèves méritaient qu'on prenne le temps nécessaire pour mener à bien ce grand débat de société, » a conclu le groupement.
 

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