La Ligue des droits et libertés (LDL) a dénoncé jeudi par voie de communiqué le dépôt par le gouvernement du Québec du projet de loi 105 – Loi établissant un périmètre aux abords de certains lieux afin d’encadrer les manifestations en lien avec la pandémie de la COVID-19.
Rappelons que celle-ci propose d’interdire toute manifestation en lien avec la pandémie à moins de 50 mètres de plusieurs lieux publics, tels que des écoles, des hôpitaux et des cliniques de dépistage.
La LDL estime donc que ladite loi porte atteinte de manière injustifiée à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique protégées par nos Chartes.
L’organisme considère également qu’il n’y a pas de nécessité de légiférer pour interdire l’exercice du droit de manifester relativement à la gestion de la pandémie de la COVID-19 et aux mesures sanitaires en vigueur.
« La Loi sur les services de santé et les services sociaux et la Loi sur l’instruction publique comportent déjà des dispositions pour interdire d’entraver l’accès à la plupart des lieux visés par le projet de loi 105, tandis que le Code criminel comporte des dispositions permettant de répondre à des incidents isolés qui pourraient y survenir. Étant donné l’existence de ces outils législatifs, la LDL considère qu’il n’y a ni nécessité ni urgence d’en ajouter et de créer ainsi une restriction indue à l’exercice du droit de manifester », a déclaré Catherine Descoteaux, coordonnatrice de la LDL.
Soulignons que les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique sont inscrits dans les Chartes canadienne et québécoise, dont le caractère fondamental est confirmé par les tribunaux québécois.
Toujours selon la LDL, la manifestation favoriserait les valeurs sous-jacentes à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique: soit le débat démocratique, la recherche de la vérité et l’épanouissement personnel (Garbeau, para 171).
De plus, l’organisme de protection des droits et libertés estime que les lieux de la manifestation font pleinement partie du message.
« Toute personne peut exercer son droit à la liberté d’expression et de son droit de manifester, même si le message véhiculé est impopulaire », a ajouté Mme Descoteaux.
La LDL croit aussi que l’école est un lieu de savoir où s’exerce le droit à l’éducation. Il s’agit d’un endroit où l’enfant a le droit d’être exposé à des points de vue contradictoires, que ceux-ci soient enseignés en classe ou non.
Le traitement différencié des opinions auxquelles seraient exposés les enfants comporteraient des risques pour le développement de leur discernement et de leur jugement face aux différents courants de pensée, clame l'organisme.
« D’ailleurs, à l’école et dans le reste de leurs vies depuis plus d’un an, les enfants participent activement à la lutte contre la pandémie en appliquant les mesures sanitaires comme le port du masque et le lavage des mains. Cet exercice contribue déjà à valoriser chez eux et elles l’importance des mesures sanitaires et à les rendre sensibles à l’importance de se solidariser pour lutter contre la pandémie. Dans ces circonstances, considère-t-on vraiment qu’empêcher les enfants d’être mis-e-s en contact avec des opinions dissidentes revienne à les protéger ? », a demandé Mme Descoteaux.
Pour la LDL, comparer les luttes pour l’accès sans entrave aux cliniques d’avortement et les manifestations d’opposition aux mesures sanitaires représente une limite à ne pas franchir.
« Il est inapproprié de comparer la situation actuelle avec l’établissement en 2016 d’un périmètre de sécurité de 50 mètres autour des cliniques d’avortement. Cette comparaison bancale est une insulte envers les mouvements féministes qui ont mené diverses luttes depuis le début du 20e siècle, notamment pour le droit à l’avortement. L’amalgame entre l’oppression historique de dissuasion et d’intimidation envers les femmes et des manifestations ponctuelles d’oppositions aux mesures sanitaires ne tient tout simplement pas la route! C’est même une gifle envers les mouvements féministes! Avec le projet de loi 105, le gouvernement du Québec exacerbe le climat d’antagonisme envers les personnes critiquant ses mesures de lutte contre la COVID-19. Nous assistons malheureusement au dénouement logique d’une gouvernance par décrets découlant d’un état d’urgence sanitaire qui a trop duré. Il est plus que temps que le gouvernement cherche à élargir un dialogue démocratique sain avec la population, y compris la frange qui critique ses décisions. Une lutte contre la pandémie où la participation citoyenne et les débats publics sont relayés au troisième sous-sol ne peut qu’entraîner des dérives inquiétantes pour la démocratie », a conclu Mme Descoteaux.
La LDL et 88 organisations syndicales et de la société civile réitèrent ainsi leur demande de lever l’état d’urgence sans délai.