«À quelqu'un qui lui demandait qui avait été son meilleur ministre, il (René Lévesque) a répondu: Je ne dirai pas qui est le meilleur, mais plutôt celui qui est le plus complet. C'est Jean Garon.»
Céline Chabot - L'Oie blanche
Cinquante ans de militantisme et de politique active. Cinq décennies de luttes, de fières réussites et d'amères déceptions. Jean Garon se raconte sans retenue dans ces mémoires où rien ni personne n'est épargné. Son principal message? Oui, il y a moyen de faire de la politique autrement!
Jean Garon est le premier politicien rencontré à mon retour au pays après huit ans d'absence. Tout pour attiser, vous en conviendrez, une flamme nationaliste entretenue dans un ROC affichant envers le Québec une souveraine indifférence... dans le meilleur des cas.
Le militant convaincu et convaincant a bien choisi son titre car il en a long à dire! J'ai beaucoup aimé les première et troisième parties, plus personnelles et riches en informations et anecdotes de toute sorte. Intègre, fonceur, d'une grande loyauté, l'avocat-économiste a retenu de son père - et appliqué sa vie durant - une méthode on ne peut plus simple et efficace: ÉCOUTER - RÉFLÉCHIR - AGIR. Ça lui a réussi puisqu'on l'a élu et réélu à maintes reprises et qu'il est considéré, tel que le souligne Jacques Parizeau dans sa préface, comme étant «... le meilleur des ministres de l'Agriculture que le Québec a connus.» S'il ne fallait qu'un exemple pour appuyer ces propos, disons simplement que les efforts investis afin d'atteindre notre autosuffisance alimentaire et les résultats obtenus le prouvent largement.
Tout un héritage!
En deuxième partie: le fouillis qu'était l'Agriculture avant son arrivée en poste et la somme colossale de travail abattu. Édifiant! Surtout si vous n'avez pas suivi les sagas impliquant l'UPA, les spéculateurs et la Coopérative fédérée. Reconnu comme étant un homme près du peuple, il a vu ses idéaux bafoués: «Les fondateurs de nos coopératives agricoles qui ont eu le talent d'en faire des géants doivent se retourner dans leur tombe lorsqu'ils voient ce qu'est devenu leur rêve d'entraide, de solidarité et d'égalité.»... et ses valeurs malmenées: «Quand j'apprends que des spéculateurs étrangers ou non, des intégrateurs et des institutions financières comme la Banque nationale achètent de grands blocs de terres comme valeur refuge, je me demande dans quel Québec nous vivons: celui de 2013 ou celui de 1713, quand le régime seigneurial fleurissait sur les rives du Saint-Laurent et que les «habitants» devaient tout à leur Seigneur.»
Hommage mérité et pique acérée
Il varlope allégrement Lucien Bouchard, qu'il n'a jamais porté dans son cur: «Avec son triple virage à droite sur la souveraineté, la langue et la social-démocratie, Lucien Bouchard aurait dû fonder lui-même la Coalition pour l'avenir du Québec de sa recrue François Legault, plutôt que de saboter l'héritage de René Lévesque.» Et vlan!
Enfin terminons sur une note positive avec ce clin d'il à un grand Magnymontois: «Les chefs québécois étaient excellents, mais ils pouvaient aller plus loin dans la mise en valeur des produits québécois. L'un d'entre eux, en particulier, m'a fait découvrir le potentiel qu'il y avait dans une fine cuisine typiquement québécoise axée sur les produits du terroir. Il s'agit de Renaud Cyr, le chef extraordinaire aujourd'hui décédé qui exploitait le Manoir des Érables, à Montmagny.»
JEAN GARON - POUR TOUT VOUS DIRE, VLB Éditeur, La Vie agricole, 528 pages