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LE PARJURE

DUMONT
Yvon Mercier- CHRONIQUE JUDICIAIRE

Ceux qui suivent les séances de la Commission Charbonneau ont pu constater qu'un témoin du nom de Dumont a des problèmes de crédibilité, suite à son admission à l'effet qu'il avait menti lors de son témoignage rendu en fin d'année 2012. Une telle situation suscite des interrogations pour le commun des mortels quant à la suite des choses. Qu'en est-il d'un tel témoignage et quel sort lui est-il réservé?

Le code criminel, à l'article 131 définit le parjure et se lit comme suit: 131(1) ...commet un parjure, quiconque fait, avec l'intention de tromper, une fausse déclaration après avoir prêté serment ou fait une affirmation solennelle, un témoignage écrit ou verbal devant une personne autorisée par la loi à permettre que cette déclaration soit faite devant elle, en sachant que cette déclaration est fausse.

L'article 136 (1) détermine la peine: Quiconque, étant témoin dans une procédure judiciaire, témoigne à l'égard d'une question de fait ou de connaissance et subséquemment dans une procédure judiciaire, rend un témoignage contraire à sa déposition antérieure est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de quatorze ans... Ceci est un résumé succinct des dispositions du code criminel sur le sujet. Il y a d'autres distinctions dans le code, mais pour les fins d'une bonne compréhension de l'affaire, le texte ci-dessus nous donne une image de l'importance que le législateur accorde à la commission d'un tel crime.

En effet, nous vivons en démocratie et nous avons un système de justice qui fait l'envie de bien des pays. Toutefois, l'appareil judiciaire ne peut fonctionner adéquatement qu'à la condition que les témoins qui sont assignés devant nos tribunaux viennent dire la vérité et toute la vérité! S'il en est autrement, nos tribunaux ne peuvent rendre une bonne justice. Et que dire des conséquences du parjure! Elles peuvent causer un dommage difficilement réparable à l'endroit des personnes qui en sont les victimes en plus de saboter totalement l'administration de la justice. Voilà pourquoi le législateur a voulu que des peines sévères soient infligées à ceux qui se rendent coupables d'un tel délit.

Dans le cas Dumont, peut-on dire que son témoignage a amené la démission du maire de Montréal? Peut-être! Et dans le cas où tout ce que le témoin a dit serait faux, comment peut-on réparer le tort causé à la réputation d'un individu? Poser la question c'est y répondre!

Qu'adviendra-t-il du cas Dumont? La Commissaire Charbonneau n'a pas le pouvoir de le condamner pour parjure bien qu'elle puisse le constater et en faire mention dans son rapport. Il appartient à la direction des poursuites criminelles et pénales de colliger la preuve dans ce cas et de décider si celui-ci sera poursuivi pour parjure devant la Chambre Criminelle de la Cour du Québec. C'est devant ce tribunal qu'un accusé doit comparaître pour répondre de ce crime et c'est là qu'il sera jugé en regard de la preuve qui lui sera présentée.

Tout témoin assigné devant cette Commission jouit de l'immunité, c'est-à-direque tout ce qu'il dira lors de son témoignage ne pourra pas être utilisé contre lui devant une Cour de Justice pour le faire condamner; cependant, cette immunité ne tient plus si l'on peut prouver que le témoin s'est parjuré en rendant témoignage devant la Commission. Et là tout ce qu'il a déclaré devant les Commissaires pourra être utilisé contre lui devant le tribunal, s'il répond à une accusation de parjure.

Quelle leçon doit-on tirer de cette histoire? Se parjurer devant un tribunal, c'est fausser tout l'appareil judiciaire. Celui qui s'en rend coupable doit savoir qu'il commet un crime très grave et qu'il encourt une peine sévère. Le message du législateur me semble bien clair sur ce point. Le plus triste dans tout cela c'est lorsque l'on ne peut pas prouver qu'un individu s'en est rendu coupable! Les victimes d'un tel geste subissent hélas des séquelles qui sont souvent irréparables.

Photo: Martin Dumont, ex-organisateur politique d'Union Montréal (Crédit photo: Jacques Nadeau - Le Devoir)

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