L'auteur est bien conscient de bousculer des hypothèses scientifiques admises depuis plus d'un demi-siècle au Canada, lesquelles veulent que les Vikings se soient établis à l'Anse aux Meadows (Terre-Neuve) vers l'an 1010 et que rien, jusqu'à maintenant, n'a permis de prouver qu'ils soient remontés plus haut dans le Saint-Laurent.
Selon lui, cela serait dû au fait que les chercheurs canadiens, surtout des archéologues, ont concentré leurs recherches sur la découverte de l'établissement l'Anse aux Meadows, d'autant plus qu'il y avait des évidences matérielles d'occupation qui venaient les conforter dans leurs observations. Mentionnons que ce site archéologique viking canadien, où l'on a reconstitué des habitations de type scandinave, a été reconnu au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1978. Lors de nos échanges, l'architecte chercheur n'a pas nié l'importance de ces découvertes, mais il aimerait que des analyses complémentaires encore plus poussées soient faites et qu'on aille aussi voir ailleurs.
Otto Hans Feiden soutient que « sa nouvelle approche » – il a disséqué pendant sept ans les sagas vikings (récits de voyages) dans lesquelles il dit avoir découvert des « significations fondamentales », en plus d'avoir analysé sérieusement de nombreux ouvrages de la littérature historique nord-américaine –, lui permet de prétendre que son livre ‘Ho'p : The Western Frontier of the Norsemen' prouve « hors de tout doute » que l'établissement de la première colonie européenne en Amérique [plus de 500 ans avant Colomb ou Cartier et Roberval à Cap Rouge], comprenait, entre autres, non seulement l'emplacement du Vinland, qu'il n'est pas d'accord pour situer à Terre-Neuve, du « Vinland le bon », mais aussi le Ho'p, qu'il situe sur la rive ouest du bassin de Montmagny, comme nous l'avons mentionné.
M. Feiden a fait des analyses iconographiques, cartographiques, géographiques et paysagères comparatives diverses, reliées aux sagas de Vikings et autres, dont celles de plusieurs lieux riverains et de rivières se jetant dans le Saint-Laurent mentionnés par les voyageurs vikings. Il les a comparées avec les observations des explorateurs et des missionnaires français, dont Cartier, Champlain et le jésuite Paul Le Jeune. Or, pour lui, la description du bassin et des chutes de la rivière du Sud correspond en tous points au lieu d'établissement du Ho'p mentionné par les Vikings. Il considère donc qu'il est plus que possible que ces gens aient remonté le fleuve jusqu'ici pour tenter de s'établir. Au même titre d'ailleurs que les Autochtones l'ont fait il y a quelque 2500 ans sur l'autre rive de la poissonneuse rivière du Sud.
Son hypothèse, fruit de ses fines recherches, en vaut d'autres. C'est ainsi que l'on fait parfois avancer les connaissances scientifiques. Selon l'auteur, les Scandinaves auraient pu passer quelque trois ans dans le moyen et bas estuaire du Saint-Laurent, fréquentant aussi l'embouchure de la rivière Saguenay et l'île Verte, puis remontant ensuite à la baie de Montmagny pour s'y installer, avant que des hostilités éclatent avec des Autochtones et les incitent à abandonner leur projet d'établissement et à retourner au Groënland. De toute façon, il n’est pas le premier à avancer cette hypothèse. En 1917, l’ethnographe et géographe Hans Peder Steensby, de l’Université de Copenhague, affirme que des « hommes du Nord » voyageant en partance du Groenland sont venus jusqu’au Vinland. Il tente de démontrer, « par des recoupements audacieux, que le Vinland dont parlent les anciennes sagas nordiques serait à situer plus ou moins dans les environs de Montmagny. C’est ainsi qu’il interprète, les aventures de Thorfinn Karlsefni qui serait parti avec trois bateaux et une centaine d’hommes, au début du XIe siècle », peut-on lire dans Le Devoir du 18 mars 2022, dans l’article « Une épopée Viking au Québec? ».
L'ouvrage, sérieux, sera présenté lors de l'assemblée générale de la Société d'histoire de Montmagny, mercredi soir le 27 mars. Généreusement illustré de documents d'archives, de cartes et de photos aériennes saisissantes, prises par le photographe magnymontois Jean Beaulieu, cela suggère quelque chose d'intéressant et qui n'est pas impossible. Il ne reste plus maintenant qu'à trouver des preuves matérielles de cette occupation. Mais cela est une autre histoire.
L'auteur de cet article, Richard Lavoie, est ethnologue, archéologue et journaliste