Aller au contenu

MON PÈRE N'ÉTAIT PAS ROUGE

Parents_St-Pierre
Christine St-Pierre - CHRONIQUEUSE

Merci à L'Oie blanche de m'avoir offert d'échanger avec vous sur mes souvenirs d'enfance, d'adolescence et de jeune adulte du Bas du fleuve.

Il m'arrivera peut-être à quelques occasions d'aborder des sujets d'actualité.

En 2007 lorsque j'ai fait le saut dans l'équipe de M. Jean Charest, j'ai beaucoup pensé à mon père Léo, disparu il y a 15 ans en janvier. C'est en sa mémoire que j'écris ce tout premier texte.

Léo était un passionné de politique

Pour mon père, un rouge c'était un peu le diable en personne. Il avait milité pour l'Union Nationale de Maurice Duplessis et vouait une grande admiration à ce Premier ministre. Il avait également été un fervent partisan de Daniel Johnson père. Nous avons grandi, mes quatre soeurs et moi, sur une ferme avicole à St-Roch-des-Aulnaies. Dans les années 60, mon père a construit un petit abattoir et chaque lundi, il prenait la route 132, se rendait jusqu'à Québec s'arrêtant dans chaque village pour rencontrer épiciers et restaurateurs afin de vendre ses volailles, les meilleures au monde. Il était fier de ses produits, critiquait les grandes entreprises qui offraient des volailles refroidies dans l'eau (ce qui leur donnait plus de poids) plutôt qu'à froid.

Souvent l'été je l'accompagnais. J'éprouvais plaisir et fierté de le voir discuter de politique, pester contre les rouges pour finalement prendre les commandes qu'il viendrait livrer le mercredi suivant. Léo aurait aimé être député, bleu bien entendu. Mais, comme il n'avait qu'une troisième année, ce rêve lui était inaccessible. Par contre cela ne l'empêchait pas de militer contre les libéraux.

En 62, lorsque Jean Lesage prit le pouvoir, lui et ma mère pleuraient à chaudes larmes. Pour aller voter, maman avait revêtu sa robe bleue, regardant de travers d'autres femmes qui portaient du rouge. Cette nuit-là, des adversaires libéraux avaient fait brûler un immense amas de pneus devant la maison, histoire de bien marquer leur victoire et narguer ce St-Pierre un peu trop bleu.

Lorsque l'Union Nationale s'est éteinte, Léo avait trouvé une deuxième source de frustration soit la naissance du PQ. En 71, ma soeur aînée n'avait jamais osé lui dire que l'un des deux votes péquistes dans notre pool était le sien.

Dans toute sa vie, Léo n'a voté qu'une seule fois libéral. Il m'avait téléphoné comme pour se dédouaner. «Je l'aime le petit Claude Béchard» m'avait-il dit. Je lui avais répondu: «Vas-y papa».
Aujourd'hui, je lui dis merci de m'avoir transmis cette passion, merci de m'avoir dit de là-haut le 14 février 2007: «Vas-y».

Prochain sujet: Le printemps d'Emmélie Gamelin

NDLR: Le montant du cachet remis habituellement aux chroniqueurs sera versé à la demande de Christine St-Pierre à un organisme communautaire de la région.

Photo:Léo St-Pierre et Berthe Massicotte, le 4 juillet 1950.

Commentaires