«Combien de jeunes vont se blesser au travail aujourd'hui ? Trente-deux jeunes de 24 ans ou moins» lance d'entrée de jeu Jonathan Plante. Une statistique parmi tant d'autres. Lui, il l'a appris à ses dépens. Dans son corps, dans sa tête et dans son cur. C'est pourquoi son message de sensibilisation est si percutant et si émouvant, le tout enrobé d'un brin d'humour.
Lors de sa conférence présentée devant les élèves du Centre de formation professionnelle L'Envolée de Montmagny, dans le cadre d'une tournée de la CSST, le 17 février, on aurait pu entendre voler une mouche. Le 12 mars 2007 a changé sa vie pour de bon. Aujourd'hui, c'est un homme heureux, il se dit 100% autonome, mais!
Ce mais a fait irruption dans sa vie lorsqu'il a fait une chute de 15 pieds sur un chantier de construction résidentielle. Ce jour-là, le travailleur est monté sur une rampe pas du tout sécuritaire, il n'était pas attaché et transportait une extension d'une main et des clous de l'autre. La chute s'est produite au moment où il a tenté de rattraper des clous qui tombaient.
Dans son corps
Jonathan Plante, un homme de 6 pieds 3 pouces pesant 225 livres, a atterri sur le dos au sous-sol. «Tout de suite après, j'ai voulu m'asseoir malgré la douleur. Dans la seconde suivante, j'ai réalisé que je ne sentais plus le bas de mon corps». Et pour cause, l'impact a provoqué une fracture de la colonne vertébrale et la moelle épinière a été sectionnée.
À l'urgence, en regardant le papier du médecin, sa blonde lit le mot paraplégique et s'évanouit. Le 13 mars, l'accidenté reste plusieurs heures sur la table d'opération. On lui reconstruit le dos en fixant huit vertèbres avec des vis. «Après l'intervention, le médecin me dit que je ne remarcherai plus, mais sur le coup à cause de la douleur, je n'ai pas très bien saisi. C'est dans les jours, les semaines, les mois et les années suivantes que j'ai réalisé dans quoi je m'était embarqué le 12 mars 2007».
«À chaque matin depuis ce jour-là, je me glisse dans ma chaise roulante et ce sera comme ça pour le reste de mes jours» dit-il. Les séquelles permanentes l'obligent à pratiquer manuellement la vidange de sa vessie et de ses intestins. L'adaptation est devenue nécessaire également pour la vie sexuelle, aujourd'hui différente. Ce qui n'a pas empêché le couple d'avoir des enfants grâce à la fécondation in vitro, car Jonathan est fertile.
Dans sa tête
L'accident de travail a entraîné beaucoup de changements dans la vie de Jonathan Plante. Une pensée le torture, il se sent responsable d'avoir entraîné ses proches là-dedans, d'avoir fait basculer leur vie. «Si vous prenez un risque, pensez à cela, car des accidents de travail, ça brise des carrières, des rêves, des couples des vies» affirme l'homme qui se dit chanceux d'avoir encore tout son monde autour de lui.
«J'ai une vie extraordinaire» raconte le conférencier. Après l'accident, le charpentier-menuisier est retourné aux études et a obtenu un baccalauréat en administration des affaires. Avec sa conjointe et ses enfants, Maxime et Lili-Rose, il habite dans une maison adaptée à leurs besoins.
Grand sportif, ce passionné de hockey s'adonne désormais au hockey sur luge et au paraski alpin. À l'occasion, il remplit même des contrats comme analyste à RDS.
Dans son cur
Jonathan Plante a une vie familiale riche et heureuse, faite d'amour, de présence, de tendresse. «Pourtant je sais qu'il y a un paquet de moments magiques que je ne pourrai pas vivre avec mes enfants. Je donnerais tout pour pouvoir aller patiner avec eux».
Il y a aussi des moments crève-cur. Le jour où son fils Maxime, âgé de 4 ans et demi, lui dit après l'avoir observé «T'en fais pas papa. Je vais trouver une façon de réparer tes jambes». «Chaque fois que j'en parle, j'ai le «motton», enchaîne le père de famille après un long silence.
Les choses changent
Tout en livrant son message de sensibilisation, Jonathan Plante, l'accidenté du travail qui donne des conférences à travers le Québec, perçoit des signes de changements encourageants. Un virage s'amorce au sein des entreprises qui investissent davantage en santé au travail. À son avis, les choses s'améliorent.
«Les jeunes amènent une nouvelle dynamique. Ils n'hésitent pas à lever la main et à poser des questions. Ils veulent plus de formation, d'information et de supervision» indique le conférencier. Le message «Prenez pas de chance et prenez le temps» entrent tranquillement dans les têtes, de conclure le conférencier.