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Une infirmière auxiliaire de la région se vide le cœur dans une lettre ouverte au sujet de la réforme Barette

Montréal-Gazette

Voici la lettre...

 

Bonjour à tous,

Je m'appelle Nathalie Beaudoin, je suis, entre autres, infirmière auxiliaire. Je travaille à l'hôpital de Montmagny depuis juillet 2005. J'ai toujours fait partie de l'équipe volante et j'ai toujours eu un statut de temps partiel. Mis à part quatre ans où j'ai enseigné aux infirmières auxiliaires, j'ai toujours complété mes semaines.

Depuis la restructuration et l'uniformisation des soins implantés par le ministre Barrette, rien ne va plus… Nous sommes depuis, dépendants de la gestion du plus gros centre de la région, c'est-à-dire l'hôpital de Lévis.

Le tout a débuté en mai dernier où mon horaire a commencé à changer. L'été dernier je ne travaillais à peine que deux jours semaine. Je me disais à ce moment que c'était momentané et que nous étions dans la période de vacances et que tout redeviendrait normal sous peu.

Rendu en septembre, je ne travaillais pas davantage. Voyant la situation perdurer, j'ai contacté les RH pour comprendre ce qu'il advenait de mon horaire. On m'a répondu à ce moment que j'avais un poste de deux jours semaine et qu'on n'était pas tenu de me faire compléter mes semaines et qu'on n'avait pas de requête pour moi et qu'on ne pouvait également pas en inventer. Pourtant, l'hôpital demeure avec le même nombre de patients…
N'arrivant plus financièrement, je me suis donc résolu à faire une demande d'assurance emploi, comme certaines de mes collègues de l'hôpital. Pendant ce temps, certains autres font des heures supplémentaires… De plus les RH engagent du nouveau personnel… Comprenez-vous quelque chose là-dedans?

Comme rien ne changeait, j'ai demandé à être orienté au département des prélèvements. C'est un travail intéressant, mais seulement des demi-journées. Je fus donc à ce moment mes cinq entrées semaine, mais pas des heures complètes, donc toujours sur le chômage pour compléter mon budget.

Je me disais à ce moment que c'était mieux que rien. Alors les RH se sont mis à me céduler pratiquement toujours aux prélèvements. Après vérification avec mon syndicat, les RH avaient l'obligation de me déplacer lorsqu'il y avait des demandes sur d'autres départements où je suis habileté et que c'est plus avantageux pour moi. Ce qu'ils ne font pratiquement jamais. Je dois constamment surveiller si des plus jeunes que moi ont des entrées qui me reviendraient de par mon ancienneté.

Lorsque je les appelle pour leur signaler qu’ils sont sur le point de payer des heures supplémentaires au lieu de me déplacer à taux régulier, j’ai comme réponse que c’est trop compliqué de me remplacer aux prélèvements, malgré le fait que je leur donne des noms de personnes disponibles pour le faire. Cela me cause beaucoup de stress et d’inconvénients. Être habitué de fonctionner avec un salaire et devoir subir une diminution considérable, ça vient chambarder toute ma vie…

Les RH m’ont offert un remplacement dans un CHSLD. J’ai refusé, car je n’ai pas d’aptitude avec ce genre de clientèle. Je lève mon chapeau à tous ceux qui y exerce leur profession, mais moi c’est en milieu hospitalier que je suis performante. En novembre dernier on m’a offert un autre remplacement en psychiatrie, domaine où j’aime bien évoluer, par contre, cela m’obligeait de changer de fin de semaine et l’horaire qui consiste à travailler de 11 h à 19 h ne me convenait pas avec mes obligations de conseillère municipale, mandant auquel je suis en poste depuis plus de trois ans. Je ne peux pas être présente à mes réunions qui sont toujours le soir si je suis encore à l’hôpital à ce moment. Encore un manque à gagner sur mon budget, car je ne suis pas payé si je ne suis pas disponible pour mes rencontres spéciales.

D’ailleurs, je n’aurai toujours pas plus d’entrées, car c’est encore un deux jours semaine qui m’a été offert. J’ai donc refusé. Les remplacements m’étaient, jusqu’à maintenant, pas une obligation.

En décembre, j’ai eu la chance de pouvoir devancer une opération que je devais subir au printemps. J’ai cru à tort que les RH donneraient ce remplacement à quelqu’un à qui cela conviendrait mieux. Bien non, à mon retour, en janvier les RH sont revenues à la charge avec ce remplacement en psychiatrie.

Entre temps, ayant complètement épuisé mes ressources financières, étant tannée d’utiliser mon crédit pour survivre, d’être prestataire de l’assurance emploi, je me suis trouvé un autre emploi sur ma fin de semaine de congé. Maintenant je travaille fort pour ma survie… Peut-on croire en arriver là lorsqu’on travaille dans le domaine de la santé? Souvent les gens disent qu’ont fait de bons salaires…c’était vrai avant que le ministre Barrette vienne tout chambarder, semble-t-il, pour diminuer les coûts du système, mais à quel prix… Cela va peut-être paraitre mieux sur son budget, mais sur le plancher, c’est tout autre chose…

Toujours est-il que je fus obligé d’accepter ce remplacement auquel je connais d’autres personnes qui auraient aimé évoluer avec cet horaire. Pour certaines, cela aurait facilité la relation travail-famille, et ce, malgré mon refus, parce que cela m’oblige à changer de fin de semaine, même si je ne suis pas disponible parce que j’ai maintenant un autre emploi.
Le remplacement fut mis à mon horaire et si je n’accepte pas, c’est sous peine de congédiement que j’ai dû m’y soustraire. Heureusement, mon autre employeur fut suffisamment compréhensible pour chambarder son horaire et ainsi me garder comme employé.

Comble de malheur, ce remplacement m’oblige à travailler tous les vendredis de 11 h à 19 h, et ce, sans changement possible… Qu’elle est mon choix maintenant, car le vendredi de ma nouvelle fin de semaine où avant je terminais à l’hôpital à 16 h, ce qui me laissait le temps de me rendre à temps à mon autre emploi qui débute à 17 h. 

Laisser mon nouvel emploi qui me donnait l’espoir de m’en sortir financièrement?...
Alors pour garder mon troisième emploi je dois prendre congé un vendredi sur deux, à mes frais, car étant une « temps partiel », je n’ai pas de congés payés. Je change donc quatre trente sous pour une piastre…

Cela me donne quoi de compléter des feuilles de disponibilités si elles ne sont pas respectées. L’horaire appartient à l’employeur… Cette phrase est maintenant utilisée couramment venant ainsi cesser tous les discussions ou arrangements possibles.

Voilà, ce n’est qu’une infirme partie de l’iceberg des changements que M. Barrette nous impose. Je me demande s’il sait vraiment à quel prix tout cela va réellement coûter… Du personnel en arrêt de travail pour épuisement, d’autre sur le chômage, sans compter tous ceux qui songent à quitter le domaine causé par la précarité d’emploi… J’ai jusqu’à maintenant parler de moi. Mais c’est à tous les niveaux que le gâchis Barrette fait son effet.

L’ensemble du matériel à l’hôpital change et ce n’est pas pour le mieux. On uniformise le matériel aussi. Tout le monde s’accorde pour dire que nous nivelons vers le bas. Nous avons perdu les Nexiva, cathéter intraveineux sécuritaire pour le personnel nous mettant moins en contact avec le sang. Remplacer pour un autre cathéter moins dispendieux, mais moins sécuritaire. Devant ce fait nous avons signé des pétitions pour essayer de garder les Nexiva. La piste de solution qui fut trouvée, c’est qu’avec le temps et la pratique nous développerons notre dextérité et que les risques de contamination diminueront.

Le prix du stationnement a pratiquement triplé. Notre surface est demeurée la même et il n’est pas mieux déneigé pour autant. Par contre nous devons nous conformer aux mêmes prix qu’à Lévis…

Le menu de la cafétéria s’est aussi uniformisé. Les prix sont demeurés les mêmes, mais les quantités ont aussi diminué. Les heures d’ouverture, elles ne se sont pas uniformisées. Cela aurait été enfin un avantage d’être comme Lévis. Les achats locaux sont maintenant chose du passé…effet collatéral et néfaste pour la collectivité…

Maintenant, un exemple qui touche directement les patients. Juste aux prélèvements puisque je le vois directement.

Je débute à 7 h 15.  Mon premier patient est à 7 h 15, à 7 h 20 deux pts de cédulés, à 7 h 25 deux autres, à 7 h 30 un pt, à 7 h 35 deux pts, 7 h 40 deux autres pts et ainsi de suite pour être en mesure de rentrer dans le cota imposé d’environ 75 à 80 pts jusqu’à midi.
Sans compter les quelques sans rendez-vous et les préopératoires de la journée qui ne sont pas inscrit sur ma liste.

Une pause est prévue vers les 10 h. Pensez-vous sincèrement que j’ai le temps de prendre ma pause? Honnêtement, je n’ai même pas le temps d’aller à la salle de bain.

Avant, les prélèvements se faisant dans les CLCS et les gens n’attendaient pas. Maintenant, il arrive qu’il n’y ait même plus assez de chaises dans la salle d’attente pour que tout le monde puisse s’assoir.

Malgré mon expérience et ma volonté de vouloir faire vite, je crois que chacune des personnes qui s’assoient sur ma chaise a le droit que je prenne le temps de bien faire les choses. Il ne faut pas oublier que dans ces personnes, il y a des gens qui supportent des traitements de chimio, des personnes à jeun, souvent des femmes enceintes, des travailleurs qui doivent retourner au boulot le plus tôt possible et même des gens qui ont des pertes de conscience lors de prise de sang…

Je suis censé donner un service de qualité à la population, mais c’est carrément du travail à la chaîne…je suis chanceuse lors de clinique double, avec près de 140 pts, ont est deux à performer au meilleur de nous-mêmes… J’aurai encore plus d’exemples à vous donner, mais j’y passerai la journée et toute mon énergie.

Venez voir par vous-même comment la réforme Barrette est en train de détruire notre système de santé. Venez-voir à Montmagny, il n’était pas parfait, mais il y avait beaucoup plus d’humanisme…

Tout le monde est touché de près ou de loin par la réforme – le personnel, le matériel et malheureusement les patients… Je dénonce ces aberrations, car je suis tannée de voir le ministre Barrette se claquer les bretelles en disant que ça va bien…

Nathalie Beaudoin, infirmière auxiliaire à l’hôpital de Montmagny, entre autres…

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